Le Terrorisme pastoral

Le Terrorisme pastoral

Eugenio Scalfari et le pape François - 4

Eugenio Scalfari et le pape François – 4

 

 

Le 13 juillet 2014 La Repubblica publie un nouvel entretien entre le pape François et son interlocuteur privilégié.

 

(Nous n'avons pas évoqué la note rectificative du père Lombardi lors de l'entretien précédent ; elle n'a aucun intérêt si ce n'est de faire de la publicité aux paroles du pape et au journal.)

 

Comme pour la première rencontre Scalfari est très précis sur les circonstances : «  Nous sommes le 5 après-midi du jeudi 10 juillet et c'est la troisième fois que je rencontre le Pape François pour converser avec lui. De quoi ? De son pontificat, commencé depuis plus d'une année et qui dans un court espace de temps a déjà commencé à révolutionner l'Eglise ».

 

«Le pape a voulu ces rencontres parce que, au-delà de tant de personnes de toutes conditions sociales, de toutes fois, de tout état qu'il rencontre dans son apostolat quotidien, il désirait échanger des idées et des sentiments avec un non croyant. Et je suis tel. »

 

« Le pape croit  qu'une conversation avec un non croyant est, réciproquement, stimulant, c'est pour cela qu'il a voulu continuer. Je le dis parce que c'est lui qui me l'a dit. ». Scalfari confesse d'ailleurs qu'il éprouve un sentiment d'amitié affectueuse qui ne modifie pas sa manière de penser. « Il arrive toujours à l'heure ; personne ne l'accompagne... Il me met la main sur la tête, une sorte de bénédiction et me prend dans ses bras. Il ferme la porte, approche sa chaise en face de moi et nous commençons. »

 

Nous donnons toutes ces indications pour bien montrer que chez Scalfari il n'y a aucun déguisement. Son attitude est parfaitement claire. Aussi je ne vois pas que cet homme ait la volonté de nuire ou de tromper son interlocuteur. Le pape n'a d'ailleurs pas fait écho aux remarques du père Lombardi !

 

Scalfari ne rapporte pas tout. Il abrège sur ce que le pape a déjà dit sur « la cupidité du pouvoir et le désire de possession » qu'il a appelé le vrai péché du monde dont nous sommes tous infecté ».

 

Ils discutent aussi des interventions du pape dans les structures de l'Eglise et de l'opposition qu'il rencontre.

Le pape aborde la question de la pédophilie à quoi s'ajoutent la drogue et l'absence d'éducation véritable. Le pape ne craint pas de dire que deux pour cent des pédophiles sont des prêtres et aussi des évêques et des cardinaux. Et qu'il y en  a  d'autres encore plus nombreux qui couvrent ces agissements et que son intention est d'affronter cette situation avec la sévérité requise.   

 

Ce sujet permet au pape de revenir sur un thème qui domine toutes ses interventions importantes : la liberté de conscience. Après avoir dit que Jésus employait le bâton pour faire sortir le démon installé dans une âme, il précise qu’aux derniers moments de la vie, la miséricorde est là. « Ce n’est pas nous qui jugeons mais le Seigneur sait et juge. Sa miséricorde est infinie, mais ce n’est pas un piège. Si le repentir n’est pas authentique, la miséricorde ne peut pas exercer son rôle de rédemption».
Scalfari insiste pour dire que notre conscience est libre et autonome et qu’on peut de bonne foi faire le mal mais que de ce mal sortira un bien.

Le pape répond : «  La conscience est libre. Si on choisit le mal en étant sûr que de cela sortira un bien, dans le ciel, cette intention et les conséquences seront évaluées. Nous ne pouvons dire plus car nous ne savons rien de plus. La loi du Seigneur et le Seigneur décident et non la créature ».

 

Enfin est abordée la question de la mafia. Le pape est catégorique, « Notre dénonciation de la mafia ne sera pas faite une fois mais sera constante. La pédophilie, la mafia : l’Eglise, le peuple de Dieu, les prêtres, la Communauté, seront trois autres missions avec ces deux principales questions (due principalissime questioni )».

 

Au moment de partir Scalfari dit  au pape qu’il (le pape) est en train de travailler assidûment pour que les anglicans et les orthodoxes s’intègrent à la catholicité. Le pape l’interrompt : « Chez les Vaudois j’ai trouvé des hommes religieux de premier ordre, et aussi chez les pentecôtistes et naturellement chez nos frères hébreux. »

 

Une dernière question  sur le mariage des prêtres. Quand viendra le temps de ce problème pour l’Eglise de Rome ?

Réponse du pape : «  Vous savez que le célibat n’a été établi qu’au dixième siècle, c’est-à-dire neuf cents ans après la mort de Notre Seigneur. L’Eglise catholique orientale a aujourd’hui la faculté que ses prêtres se  marient. Le problème existe certainement mais n’est pas d’une grande ampleur. Il faut du temps mais des solutions, il y en a, et je les trouverai ».

 

Cet entretien a fait l’objet de contestation de la part du père Lombardi sur le pourcentage des prêtres pédophiles et des évêques et cardinaux atteints ainsi que sur le «  je les trouverai ».

 

 Le pape lui-même n’a rien trouvé à redire. …et ce n’est pas fini.

 

Ces critiques sont hors propos pour qui sait que le pape peut dire toutes sortes de choses qu’il aura lues ou attrapées au vol. C’est dans sa nature de communicant et il n’est pas fâché de s’en prendre au clergé et à la hiérarchie de l’Eglise. On a accusé Scalfari de forcer le trait pour faire parler de lui et de son journal. 

 

A quatre-vingt-dix ans ce n’est plus son problème. Le pape manœuvre et il a trouvé un quidam bien disposé et parfaitement en phase sur une réforme de l’Eglise à laquelle il a été initié par le cardinal Martini.

On vient d’annoncer le prochain synode sur les prêtres mariés, le pape François a de la suite dans les idées et cela ce n’est pas une invention de Scalfari en juillet 2014 !

 

Sandro Magister note dans son article du 9 décembre 2015  qu’il s’agit là d’une volonté évidente du pape d’actualiser le programme du cardinal Martini de 1999, exposé lors du synode de la même année.

« Celui qui était alors archevêque de Milan, jésuite et leader  incontesté de l’aile libérale de la hiérarchie, disait avoir « fait un songe » : celui d’une Eglise capable de se mettre en état synodal permanent, pour une discussion collégiale et ayant autorité, entre tous les évêques sur les thèmes essentiels (nodali) ».

Et il énumérait ces thèmes :

«  Le manque de ministres ordonnés, le rôle des femmes dans la société et dans l’Eglise, la discipline du mariage, la vision catholique de la sexualité, la praxis pénitentielle, les rapports avec les Eglises sœurs de l’orthodoxie et d’une façon plus générale le travail de revivification de l’espérance œcuménique, et du rapport entre la démocratie et les valeurs, et entre les lois civiles et la loi morale ».

 

 

Pour ce qui concerne les Luthériens et les Juifs nous venons d’assister à une opération dont Scalfari a eu aussi la primeur … après les initiés de Buenos Aires  et Martini !

 

Les commentateurs catholiques et autres qui ignorent tout de l’inspiration du pape François feraient bien de s’informer car pour l’instant ils sont des aveugles qui conduisent d’autres aveugles. La longue lettre de The Remnant, et la lettre ouverte d’un Allemand, (revue allemande, Focus) ancien membre de la Curie, (traduite en anglais et en italien) devrait peut-être enfin atteindre les rivages français !

 

 

A suivre…

 

 

 

 



13/12/2015
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