Le Terrorisme pastoral

Le Terrorisme pastoral

Le pape qui vient de loin - 8

Le pape qui vient de loin – 8

 

Dans le chapitre précédent, j'ai attiré l'attention sur le  caractère encore inachevé des informations communiquées. Celles que je donne sont vérifiées mais sont susceptibles d'être complétées.

Ainsi j'ai déjà  indiqué trois nouvelles sources de liens qui rapportent la théologie de la libération à Félicité de Lamennais. En voici une quatrième.

Dans son livre « Histoire et théologie de la libération », page 135, Enrique Dussel écrit : « En 1850, le mot démocratie était dans l'Eglise une sorte de vilain mot. S'il n'en avait pas été ainsi, pourquoi aurait-on persécuté Lamennais et Lacordaire et tous les chrétiens démocrates du XIX siècle ».

 

Ce genre de référence-témoin montre de façon évidente que la théologie de la libération n'est pas un champignon sud-américain mais s'enracine dans une longue lignée de désobéissances qui ont pour but principal non d'établir une société socialiste sous couvert de justice, mais bien de fonder une nouvelle Eglise !

 

Le livre indispensable pour comprendre l’origine des théologies de la libération est sans conteste celui de Julio Loredo, Teologia della Liberazione- Un salvagente di piombo per i poveri  Un gilet de sauvetage en plomb pour les pauvres. Ed. Cantagalli.

Ce livre, en italien, consacre 200 pages d’une rare densité à cette origine ancienne et nouvelle, dernier avatar en date du modernisme.

 

IVAN ILLICH

 

Ce personnage est un des trois hommes clé de l'établissement de la théologie de la libération en Amérique Latine. Il est cependant très peu cité car il le sent le soufre plus qu'aucun autre.

 

Avant de le situer de façon précise dans notre recherche, voici le témoignage d'un de ses amis, Mgr Riobé qui fut évêque d'Orléans.

A Olivier Clément qui l'interroge, « Etes-vous optimiste sur l'avenir ? », l'évêque répond :

 

« Je laisserai Ivan Illich vous répondre. C'est pour moi un ami de longue date. Je me rappelle notre conversation, un jour, à Cuernavaca, près de Mexico, au centre culturel qu'il a fondé pour aider à la formation de cadres pour l'Amérique  latine. C'était très peu de temps après les graves démêlés qu'il avait eus avec les Congrégations romaines. Nous parlions de l'Eglise. 'Si, un jour prochain, me disait Ivan Illich, il t'est  donné d'être reçu par Paul VI, qui me connaît bien, tu lui diras que je n'ai jamais aimé autant l'Eglise. L'Eglise serait ma sœur, même ma femme, je pourrais la quitter. Mais l'Eglise, c'est ma mère, et plus elle p..., plus je l'aime ! Et puis, ajoutait-il, il faut que l'Eglise vive le Mystère pascal. Nous sommes au samedi-saint. Tant de chose vont au tombeau. C'est douloureux. Ce  que je souhaite, c'est d’être debout au matin de Pâques et d'éclater de rire en voyant l'Eglise ressusciter de partout, de partout ; mais ce qui surgira ne ressemblera guère à ce qui aura été enfoui pour toujours dans le tombeau.»  (La liberté du Christ, page 60-61).

 

Ce rire apocalyptique fait frémir. Lamennais était aussi effrayant mais il n'ajoutait pas le rire à son désespoir.

 

La vie de Ivan Illich est un roman noir.

 

Il est né le 4 septembre 1926. Sa famille appartient à l’aristocratie dalmate. Sa mère est d’ascendance juive séfarade convertie. Etablie à Vienne, sa famille s’exile à Florence pour échapper aux nazis. En 1943 après une retraite de 30 jours chez les jésuites il choisit de devenir prêtre. Ivan est d’une rare intelligence et d’une puissance de travail inouïe. En 1945, il est élève au Collège Capranica à Rome et suit les études sacerdotales à la Grégorienne. Il obtient une licence de philosophie (1947) et de théologie (1950) en même temps il étudie « la motivation religieuse dans la pensée de Romano Guardini. Il est diplômé « summa cum laude ». Pendant son séjour à Rome il rencontre le cardinal Montini Sous-Secrétaire d’Etat, et au cercle de philosophie thomiste, Jacques Maritain qui est ambassadeur de France près le Saint Siège jusqu’en 1948. Un des biographes de Illich,Tarcisio Ocampo, écrira que Maritain est devenu « son cher ami et son conseiller » ( se convertio en su querido amigo y consejero)  Il est reçu docteur en Histoire à la Faculté de théologie de Salzburg, summa cum laude avec la thèse suivante : Les fondements philosophiques de l’histoire chez Arnold Toynbee ; son directeur de thèse est Albert AUER.

 

Ordonné en 1951, il célèbres sa première messe dans les catacombes. Il abandonne la perspective d’une carrière diplomatique et part la même année à New York où il est incardiné. En charge d’une paroisse de puertoricains. Il est un proche du cardinal Spellman qui l’appelle « Juanito » car son nom semble trop communiste ! Pendant cinq ans il se dévoue à sa paroisse et organise la fête de la Saint Jean qui devient la fête annuelle de tous les portoricains aux Etats Unis (The Porto Rican Day Parade). Il est en relation avec l’université jésuite de New York, Fordham, centre d’une activité progressiste intense.

 

En 1956, il est nommé Vice-Recteur de l’Université catholique  de Puerto Rico. Il forme les prêtres destinés aux Etats Unis. Il crée en 1958 l’Institut de Communication Interculturel qui servira de modèle à ses futures créations. En fait des laïcs rejoindront cet Institut et formeront les volontaires du Corps de la Paix  qui se répandront dans tout le continent latino-américain.

En 1957, il est nommé par Jean XXIII camérier secret de sa Sainteté grâce au cardinal Spellman. Il est le plus jeune prêtre américain à avoir obtenu cette distinction. (Certaines biographies font de lui un évêque et de Maritain un juif converti !).

 

En juin 1960, il est membre du conseil supérieur de l’Education de Puerto Rico. La même année en septembre un différend éclate avec l’évêque qui interdit à ses fidèles de voter pour le gouverneur favorable au contrôle des naissances. Il quitte Puerto Rico et est nommé à l’université de Fordham, (son premier contrat se termine en 1965), chargé avec le père Fitzpatrick, d’un séminaire de doctorants en sociologie de la faculté de sciences politiques et sociales. Il fonde le CIF (Center for Intercultural Formation) à New York. Le CIF, est une association civile de l’Etat de New-York qui a deux autres sièges l’un au Mexique, l’autre au Brésil ? A cette date le père Vincent O’Keefe est le président de l’Université de Fordham et l’assistant du père Arrupe.

 

 

Illich au Mexique et ailleurs !

 

Sur la recommandation du cardinal Spellman, il est reçu par l’archevêque de Mexico qui est aussi président de la Conférence des Evêques Latino-Américains. (CELAM)

 

 

En octobre 1960, il se présente à Mgr Sergio Mendes Arceo, évêque de Cuernavaca. Le 5 avril 1961, le CIC (Centro de Investigaciones Culturales), est créé devant notaire à Cuernavaca. Ivan Illich est le Directeur Général.

Les fonds du Centre viennent essentiellement des Etats Unis et des jésuites.

En 1964 le cardinal Spellmann donne 25.000 $, le cardinal Cushing (archevêque de Boston), 30 000 $.

En 1965, Cushing, 20 000 $ ; Fordham, 10 000$ ; Loyola Fondation ,10 000$

 

Le centre de Cuernavaca est fondé concomitamment avec son extension au Brésil, le CENFI. (La Seçao Brasileira do Instituto de Formaçao Intercultural).

Ivan Illich lance cette création avec le concours d’un franciscain américain Jean-Baptiste Vogel. L’objectif est à la fois idéologique et culturel. Il s’adresse aux étudiants, aux missionnaires, aux diplomates, aux techniciens étrangers et à tous les religieux et religieuses. En 1962 le CENFI sera transférer chez les franciscains de Petropolis près de Rio où va éclore Leonardo Boff.  La première assemblée constitutive est présidée par Helder Camara qui en approuve les statuts comme évêque auxiliaire de Rio.

 

« En 1961, après l’annonce du Concile, le futur Cardinal chilien Larrain et Helder Camara, organisent une rencontre informelle à Rio Janeiro où ils essaient de présenter le premier programme pastoral de l’Eglise d’Amérique latine. Assistent à cette rencontre : Ivan Illich, Poblete, Vekemans, François Houtart, Mgr Larrain, Helder Camara et quelques autre » (The emergency of Liberation theology : Radical Religion and Social Movement ; Christian Smith ; page 120.)

 

REMARQUES

 

I - Nous sommes en 1961, personne n’a encore parlé de « théologie de la libération ». Si Houtart est déjà bien rôdé au marxisme-léninisme, ce n’est pas le cas des autres. Vekemans, par exemple, veut promouvoir la doctrine sociale de l’Eglise au Chili. Leur objectif commun est de CHANGER L’EGLISE. Ils savent déjà tout le parti qu’ils tireront du Concile pastoral et s’organise dans ce but.

Ils sont les représentants d’un vaste réseau. Pendant quatre mois Illich va parcourir le continent de Santiago du Chili à Caracas. Enrique Dussel dans un grand élan de vérité assurera que Illich a été le maître d’œuvre de la transformation du continent.

 

Cette histoire existe dispersée dans des milliers de pages qu’il faut rassembler.

 

II – Nous n’avons pas encore abordé le contenu idéologique des écrits de ILLICH, mais on a pu déjà se rendre compte de la place de la culture dans sa pratique révolutionnaire dès son apostolat à New York.

Aussi lorsque les Lucio Gera et Juan Carlos Scannone vont tenter de s’approprier un discours culturel pour faire croire à une théologie de la libération version argentine, ils ne feront pas œuvre nouvelle mais ils habilleront le même discours révolutionnaire avec une philosophie franco-germanique, souvent absconse, pour faire croire à quelques découvertes originales ! 

 

En 1962, Le Centre de Cuernavaca crée la revue CIF Reports dont le premier numéro paraît en avril. Parmi les intervenants on trouve le jésuite Renato Poblete (qui était à la réunion de Rio), le jésuite Roger Vekemans (idem) ;  François Houtart (idem), appartient au conseil consultatif de la revue ainsi que deux autres figures de la contre-Eglise : Camillo Torres Restrepo, directeur de l’Institut Colombien pour l’entraînement des chefs de la Réforme Agraire à Bogota. Il demandera sa réduction à l’état laïc avant d’être tué dans la guérilla ; et le prêtre argentin Alberto Sily. Après avoir étudié la sociologie à Rome, il devint directeur du Centre de Recherche et d’Action Sociale à Buenos Aires. Il participe à la création des Prêtres pour le Tiers Monde en réponse à l’appel de Helder Camara. Il abandonnera le sacerdoce.

 

CIF Reports a une ligne éditoriale très précise. En voici les deux premières exigences  :

                                                                                                         

1)    « Informer sur tout ce qui concerne les cultures (italique dans le texte). Apporter aux lecteurs toute connaissance sur l’art, la littérature, la musique des Amériques, mais par-dessus tout approfondir l’examen de la réalité sociale, économique et politique qui différencie la culture d’un peuple d’un autre.

 

2)    « Faire de l’Eglise (italique dans le texte), le centre de ces informations pour faire comprendre que l’Eglise n’appartient à aucune culture, mais qu’elle est le témoignage vivant du Christ dans chaque culture.

 

Soyons clairs, il s’agit du rejet de la culture romaine, européenne et nord –américaine et  de l’Eglise au bénéfice des cultures indigènes ou nationales.

 

 

L’appareil est en place pour faire du concile le moteur du changement d’Eglise. Helder Camara dira : « Ivan Illich est l’éminence grise du Concile. »

 

 

 

 

A suivre…. Bonnes et pieuses vacances



27/07/2015
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