Le Terrorisme pastoral

Le Terrorisme pastoral

Le sabordage de la théologie catholique

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Le sabordage de la théologie catholique

 

 

Le 1er novembre 2023, celui qui a été élu chef de l’Église Catholique - dans des circonstances que les historiens analyseront – et que Bernadette Sauvaget a rapportées  en ces termes :

 « Muni de la feuille de route que les cardinaux lui ont donnée en l'élisant,le pape François avance « en marchant », écoute largement même ceux qui ne partagent pas ses options et prend son temps pour trouver le chemin ». (Le pape du peuple ; page 18)...

 

Ce chef vient d'ajouter une page à la feuille de route !

 

Nous avons suivi au plus près « ce chef », et nous pouvons assurer qu'il a conservé le cap initial qu'il avait adopté bien avant d'être élu.(voir notre livre « François, la conquête du pouvoir »

Aussi, nous n'avons pas été surpris par le motu proprio « Ad theologiam promovendam ». A chaque paragraphe nous retrouvons la méthode et les références qui sont les siennes depuis ses années de formation en Argentine.

La méthode consiste d'abord à « se » citer lui-même au moins six fois. C'est un grand avantage pour ne jamais être dépaysé.

Pour tranquilliser le lecteur, il intègre dans son texte des références historiques de 1718 à Jean Paul II en 1999. Manière personnelle de pratiquer la tradition !

A cela s'ajoute une citation de Saint Thomas d'Aquin et une référence au bienheureux Antonio Rosmini.

Cette pratique calme l'appréhension du lecteur. C'est une proximité de bonne augure au milieu d'un tohu-bohu qui commence très fort par une « interprétation prophétique » du présent : « ce que nous vivons n'est pas un temps de changement , mais un changement d'époque ».

 

1 - Axe de lecture

 

Le § 3 annonce le sujet :

 

« réviser les normes pour les rendre plus adaptées à la mission que notre temps impose à la théologie ».

 

« Une Église synodale ,missionnaire et « sortante » ne peut correspondre qu'à une théologie « sortante ».

 

« ...les bons théologiens, comme les bons pasteurs, sentent le peuple et la rue »

« l'ouverture au monde, à l'homme dans le concret de sa situation existentielle, avec ses problèmes, se blessures, ses défis et ses potentialités, ne peut se réduire à une attitude  « tactique », adaptant de manière extrinsèque des contenus désormais cristallisés à de nouvelles situations, mais doit pousser la théologie à une refonte épistémologique et méthodologique, comme l'indique le Proemio de la Constitution apostolique Veritatis Gaudium .

 

§ 4 « La réflexion théologique est donc appelée à un tournant, à un changement de paradigme, à une « courageuse révolution culturelle » (Lettre encyclique LAUDA SI;114) qui l'engage avant tout à être une théologie fondamentalement contextuelle […]

 

« Le besoin de dialogue est en effet intrinsèque à l'être humain.

 

§ 5 « Cette dimension relationnelle connote et définit, du point de vue épistémique, le statut de la théologie, qui est encouragée à ne pas s'enfermer dans l'autoréférentialité....

 

C'est l'approche de la transdisciplinarité, c'est à dire de l'interdiciplinarité au sens fort par opposition à la muitidisciplinarité entendue comme interdisciplinarité au sens faible.

 

D'où la tâche ardue pour la théologie d'être capable d'utiliser de nouvelles catégories élaborées par d'autres savoir, afin de pénétrer et de communiquer les vérités de la foi et de transmettre l'enseignement de Jésus dans les langues d'aujourd'hui, avec originalité et conscience critique

 

§6 « Les dialogues avec les autre savoirs présupposent évidemment le dialogue au sein de la communauté ecclésiale et la prise de conscience de la dimension synodale et communautaire essentielle de l'exercice de la théologie.[...]

 

La synodalité ecclésiale engage donc les théologiens à faire de la théologie sous une forme synodale, en promouvant entre eux la capacité d'écouter, de dialoguer , de discerner et d'intégrer la multiplicité et la variété des instances et des contributions ». Il est donc important qu'il y ait des lieux , y compris institutionnels, où l'on puisse vivre et expérimenter la collégialité et la fraternité théologiques.

 

§7 « De cette façon , la théologie peut contribuer au débat actuel de « repenser la pensée »...

 

§8 «  La réflexion théologique est invitée à se développer selon une méthode inductive, qui part des différents contextes et des situations concrètes dans lesquelles les peuples sont insérés en se laissant sérieusement interpeller par la réalité pour devenir discernement des « signes des temps »...

 

Ce texte a été publié trois jours avant l'Assemblée de Lourdes ...on comprend que les évêques n 'en parlent pas après trois semaines.

Tout le « pontificat » est ramassé dans ce texte : le changement d'Eglise , l'appareil synodal et son utilisation. Cela explique aussi l'impatience du chef de l’Église vis à vis de l'église allemande. Il ne veut à aucun prix que la précipitation germanique gâte son plan d'ensemble. Chaque chose en son temps !

 

Aujourd'hui 25 novembre on lit sur le Salon Beige : « Rome recadre l'épiscopat allemand » . Ce titre fait frémir.

Alors que les Allemands viennent d'obtenir grâce à ce motu proprio la confirmation que la théologie catholique traditionnelle est jetée par-dessus bord, il faut être d'une naïveté désarmante, d'une précipitation non maîtrisée ou d'une inattention dramatique à l'origine et au développement de la théologie contextuelle.

 

 

2 - Premier axe de réflexion.

 

 

Riposte catholique du 3 novembre renvoie à une première explication. Nus lui devons un grand merci !

 

« Le pape a publié le 1er novembre un nouveau Motu Proprio (encore !) intitulé Ad theologiam promovendam, afin de réorganiser l’Académie pontificale de théologie. Rome n’en a publié que le texte italien. En voici une traduction libre, dans laquelle on découvre que le pape revisite la théologie. A chacun de se demander comment ce texte s’articule avec la grande encyclique de Jean-Paul II, Veritatis Splendor

Sur internet, l’abbé Clément Barré, prêtre du diocèse de Bordeaux, estime qu’il s’agit là de théologie contextuelle :

 

Qu’est-ce qu’une théologie contextuelle ?

Le 1 novembre, le Pape François a promulgué le Motu proprio « Ad theologiam promovendam » instituant les nouveaux statuts de l’Académie pontificale de Théologie. Ce texte est l’occasion pour le Saint Père d’exprimer sa vision de la place de la réflexion théologique l’Eglise. Pour le Pape, « La réflexion théologique est appelée à un tournant, un changement de paradigme, une « courageuse révolution culturelle [1]» qui l’engage, avant tout, à être une théologie fondamentalement contextuelle, capable de lire et d’interpréter l’Evangile dans les conditions dans lesquelles vivent quotidiennement les hommes et les femmes »[2].

 

Ce terme de théologie contextuelle n’est pas une invention du pape François, c’est un courant de la réflexion théologique contemporaine qui se développe à la suite du Concile Vatican II. La théologie contextuelle cherche à accomplir l’ambition du Concile de « s’interroger sur le rapport entre l’Eglise et sa foi, d’une part, et l’homme et le monde d’aujourd’hui, d’autre part[3] ». Pour comprendre de quoi parle le pape, il est bon de s’interroger sur ce qu’est une théologie contextuelle, quelles en sont les caractéristiques et la méthodologie.

 

1. Définition

On appelle « théologie contextuelle » une réflexion théologique qui s’élabore dans un contexte particulier et désir porter un discours sur ce même contexte. Les théologies contextuelles « sont en quête du sens du révélé chrétien pour l’homme d’aujourd’hui ; elles accordent une attention particulière au contexte, qui influe aussi bien sur la perception d’un contenu que sur la manière dont ce dernier est exprimé [4]»

D’une part le contexte est considéré en ce qu’il influe la réception de la Révélation, c’est-à-dire que la théologie ne peut se faire sans considérer la situation concrète de celui qui pense et de tous les hommes qui l’entourent.

D’autre part, la théologie contextuelle entend également considérer le contexte en ce qu’il influe l’expression de cette Révélation.

 

2. Caractéristiques

i. Une théologie non européenne

Si on peut voir des préparations de la théologie contextuelle chez certains auteurs européens ou dans le magistère du concile Vatican II (notamment la constitution Gaudium et Spes), c’est essentiellement en milieu non européen que se développe cette théologie.

La caractéristique géographique a ici une grande importance. Les théologies contextuelles se développent principalement en Amérique du Nord et latine, en Afrique, en Asie… Dans leur genèse, elles se présentent comme l’appréhension de la révélation à partir d’une réalité et d’une culture non européenne. C’est une forme d’inculturation qui refuse la prétention universaliste de la théologie classique et la renvoie au rang d’une appréciation européenne, occidentale, et donc elle-même contextuelle, de la révélation.

ii. Une théologie marquée par l’apport sciences humaines

Il n’est pas nouveau que la théologie puise dans d’autres disciplines les outils de sa réflexion. Ainsi la philosophie, la science historique voire les sciences naturelles sont de précieux secours pour le travail du théologien.

L’originalité des théologies contextuelles est d’être radicalement dépendantes d’autre disciplines et particulièrement des sciences humaines. En effet l’appréhension du contexte, nécessaire à toutes théologies contextuelles, se fait essentiellement par le prisme des sciences humaines : sociologie, histoire, économie, sciences politiques etc… Ainsi, dans le cadre des théologies contextuelles ces disciplines ne sont pas ancilla theologiae, mais elles sont la matière première du travail du théologien. Elles deviennent l’objet d’étude de la théologie avec le risque d’en devenir les maîtresses.

iii. Une théologie herméneutique.

« La théologie [contextuelle] est herméneutique dans la mesure où elle n’a pas seulement comme tâche d’exposer la vérité objective de la révélation divine mais de comprendre ce qui peut être dit et communiqué à l’homme aujourd’hui sur la base de cette révélation. Elle ne se contentera donc pas de connaître la vérité objective des énoncés dogmatiques, mais elle dégagera leur sens pour aujourd’hui [5]»

iv. Une praxis et une politique

La finalité des théologies contextuelles n’est pas contemplative, elle est pratique. Elles ont pour but d’incarner la foi dans un contexte particulier : « Le fait de partir du contexte représente un tournant radical pour la théologie. Cela signifie rechercher dans l’histoire de Jésus, dans sa praxis, une orientation capable d’apporter une réponse aux problèmes vitaux que le monde contemporain pose aux individus et à la société [6]»

Cependant si elles sont une praxis, les théologies contextuelles ne sont pas pour autant des théologies morales à proprement parler, pour deux raisons : la première est que la théologie morale est finalisée par la sainteté du sujet, la vie éternelle, la finalité est transcendante alors que les théologies contextuelles ont une finalité immanente, elles visent la transformation du réel. La seconde est que la théologie morale a la personne pour sujet, dans les théologies contextuelles le sujet est collectif : la communauté, la société etc… En cela sa visée est généralement politique (au sens technique).

3. Méthodologie

Dans sa méthodologie, la théologie contextuelle opère en trois temps : contextualisation ; décontextualisation ; recontextualisation.

 

- La contextualisation : c’est partir du contexte que l’on entend analyser en faisant de l’homme, de sa destinée, de son cadre de vie… des données fondamentales de la théologie. C’est une écoute attentive et compréhensive des problèmes, des aspirations, des désirs et des combats de l’homme pour y déceler les signes des temps, l’œuvre de l’Esprit…

 

- La décontextualisation c’est l’effort nécessaire d’abstraction du contexte pour élargir l’horizon de la réflexion : on élargit aux autres contextes. Le contexte principal auquel il convient d’élargir est celui de la révélation biblique et de la tradition ecclésiale mais il n’est pas le seul pour celui qui fait la théologie contextuelle, il faut aussi prendre en compte le contexte de l’œcuménisme, du dialogue inter religieux, des autres cultures etc… « Une culture ne peut jamais devenir le critère de jugement et encore moins le critère ultime de vérité [7]»[8]

 

 La recontextualisation c’est le retour au contexte premier, enrichi par les lumières récoltées lors de la « phase » de décontextualisation pour transformer ce contexte, le faire progresser vers plus de « justice » et de « vérité ». C’est la dimension pratique et politique des théologies contextuelles.

 

« La réflexion part donc de la situation du peuple perçue comme un lieu théologique, c’est-à-dire comme un lieu où s’opère la rencontre salvifique entre l’homme et Dieu dans le Christ, comme un lieu où hic et nunc, se déroule le mystère du Salut, l’expérience du Salut éclairé par la lumière de la mémoire chrétienne (Ecriture Sainte, tradition et Magistère de l’Eglise). Enrichie par l’expérience d’autres contextes, la réflexion théologique ne se dissipe pas dans une spéculation éthérée. Au contraire, elle débouche sur une nouvelle action cheminant sans cesse vers plus de « vérité » et de de « justice » dans les relations entre les hommes et avec Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ et le Père de tous.

 

[9]»

[1] Pape François, Lettre encyclique Laudato Si sur la Sauvegarde de la maison commune, n°114, 2015 [2] Pape françois, Lettre en forme de Motu Proprio « Ad théologiam promovendam », n°4, 01/11/2023 [3] Benoit XVI, Discours à la Curie Romaine à l’occasion de la présentation des vœux de Noël, 22/12/2005 [4] Léonard SANTEDI KINKUPU, Quelques déplacements récents dans la pratique des théologies contextuelles – l’inculturation comme orthopraxis chrétienne et l’inventivité, Revue Théologique de Louvain, 34, 2003, p. 155 [5] Idem. p.157 [6] Idem p. 162 [7] S. Jean Paul II, Lettre encyclique Fides et Ratio sur le rapport entre la foi et la raison, n°71, cité par P. Léonard SANTEDI KINPUKU, idem p. 165 [8] Notons ici le paradoxe, on refuse de faire du contexte le juge de la foi ce qui semble redonner toute sa place au texte biblique et à la tradition, et cependant la Révélation est renvoyé à n’être qu’un contexte parmi d’autre. A la page 165 le P. Santedi écrit : « Les théologies contextuelle ne peuvent donc pas se priver de la lumière de l’Evangile et de la tradition », la nécessité de ce rappelle nous paraît lourd de sens pour la théologie contextuelle. [9] Idem. p. 168

 

 

 

à suivre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



25/11/2023
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