Le Terrorisme pastoral

Le Terrorisme pastoral

SIX versions pour un seul sermon !

SIX versions pour un seul sermon !

 

A chaque fois que le pape François célèbre la messe à Sainte Marthe au Vatican, il gratifie son auditoire d'une homélie.

 

Celle du 29 janvier dernier a eu pour thème la « privatisation du salut ». La formule nous a paru si étrange pour ne pas dire étrangère, au salut que nous sommes allés voir ce que les relais officiels en anglais, en espagnol, en français et en italien, racontaient. Zenit (en trois langues), donne des extraits et interprète selon trois manières différentes. Mais le plus original est en italien avec deux versions : une de radio-Vatican et une de l'Osservatore Romano.

 La transcription italienne de Radio-Vatican ne donne pas toutes les paroles prononcées mais elle est la plus fidèle. La traduction  de R.V. en français, beaucoup plus courte est sélective ne correspond  pas à la transcription.

Le texte de l’Osservatore Romano est une réécriture complète de la transcription de R.V.

 

Bref, chacun à sa façon. C’est pourquoi il faut être très réservé sur les « textes » des homélies de Sainte Marthe.

 

Trois titres proposés sont voisins :

 

Le pape met en garde contre la « privatisation du salut » Z

Pope’s Morning homily :  ‘ We cannot privatize Salvation’  Z

Francisco en Sta Marta : la salvacion no se ‘privatiza’ Z

 

Deux titres de Radio Vatican

 

Papa : non seguono via di Gesu élites ecclesiali que disprezzano altri R .V 

Homélie : les élites qui méprisent les autres ne suivent pas le chemin de Jésus. R.V.

 

Un titre de l’O.R.

 

Messa a santa Marta – Salvezza privatizzata O.R.

 

 

Qu’est-ce que la privatisation du salut ?

 

Le sujet de l’homélie est donc la privatisation du salut. L’argument est le suivant : « Jésus nous a tous sauvé mais pas d’une façon générique. Tous, mais aussi chacun, avec notre nom et notre prénom. C’est le salut personnel… Mais le danger est d’oublier qu’il nous a sauvé individuellement, mais dans un peuple ». (RV)

 

Le motgenericamente’ traduit en français, (R.V) par générique ne veut rien dire. En italien, c’est la même chose. Seule la traduction espagnole (Zénit) dit «  genéricamente ».  Le dictionnaire espagnol donne deux sens : manière d’être commune à des espèces variées ou de façon générale.

Ce dernier sens peut-il être retenu ?

Les traductions (Zénit) en anglais ou en français ont senti la difficulté et ont tout simplement omis l’expression.

 

« Dans un peuple. Toujours le Seigneur sauve dans un peuple… Ce n’est pas un salut pour moi seulement. Si je comprends le salut de cette façon je me trompe ; je me trompe de chemin. La privatisation du salut est une voie erronée ».

[…] Chacun cherche son propre salut, non le salut de tous, le salut du peuple. Jésus a sauvé chacun, mais dans un peuple, dans une Eglise. » (Notre traduction du texte de R-V).

 

Les traductions anglaise et espagnole comportent bien « within a Church » et « en una Iglesia ».

La traduction française de Zénit omet « dans une Eglise ».

 

Selon le pape François, ceux qui privatisent le salut sont des petits groupes dans les paroisses ou les communautés. Ceux-ci pensent être de bons chrétiens voire de bonne volonté. Mais c’est une erreur très grande. Nous les appelons et nous les voyons comme « les élites ecclésiales ».(R.V.)

 

« Dieu sauve dans un peuple, non dans les élites ». (R.V.)

 

Nous n’avons aucune difficulté a trouvé un sens catholique à ce genre de propos d’autant que le pape propose comme remèdes à cette erreur, la foi, l’espérance et la charité.

 

Mais qui sont ces petits groupes ? Qui est visé dans cette dénonciation anonyme ? Les équipes pastorales en dehors desquels il n’y a pas de salut ? Les fidèles tradis, fidèles au pape à en mourir ? Les restes d’une action catholique mourante ? Qui ?

 

Nous n’avons pas de réponse.

 

 

Mais après les diplomates, les membres de la Curie et leurs maladies, le gouvernement de l’Eglise ne doit-il pas changer du haut en bas ?

 

Jean Madiran  a étudié de près la dialectique dans l’Eglise moderniste. Pour l’Amérique latine, on lira avec profit le professeur argentin Carlos Sacheri. (Voir notre article précédent).

 

 

 

La dialectique pontificale.

 

En revanche ce qui nous étonne c’est l’expression privatisation du salut.

 

 Elle est accompagnée dans les traductions de signes typographiques qui marquent pour les lecteurs quels qu’ils soient, l’étrangeté de la formule.

 

Ce mot ‘privatisation’ est chargé d’une connotation proprement politique et il est perçu par le peuple, surtout en Amérique latine, comme un danger, un crime contre les pauvres.

Même chose pour « les élites ecclésiales ». Introduire les termes d’une dialectique de lutte sociale et politique dans les paroisses et les communautés ne m’apparaît pas particulièrement évangélique.

 

On imagine ce qui pourrait se passer si dans les paroisses et les diocèses on devait rechercher « les élites ecclésiales » qui privatisent la foi et le salut !

 

Quel est le moteur de cette dialectique ? Il est dans l’expression « Privatisation du Salut ». Pour un catholique le « salut » est un terme connu au sens très précis. Il renvoie à ‘l’histoire du salut’ (Cf. Catéchisme de l’Eglise catholique n°606 et suivants). «  Il n’y a, il n’y a eu, et il n’y aura aucun homme pour qui le Christ n’ait pas souffert ».

 

Le pape dit : « Oui vraiment je suis sauvé, le Seigneur m’a regardé, a donné sa vie pour moi, a ouvert cette porte, cette voie nouvelle pour moi et chacun de nous peut dire ‘Pour moi’ ».(R.V.)

Mais la nouvelle voie implique de suivre le Christ selon la forme qu’il a voulue, secondo la forma che Lui vuole.

 

Cette nouvelle voie s’oppose à la privatisation du salut et aussi à la privatisation de la foi  des communautés refermées sur elles-mêmes qui ne pratiquent pas les vertus théologales. « C’est vrai : Il nous sauve avec nom et prénom, mais il nous sauve dans un peuple, non dans un petit groupe (grupetto), que j’ai fabriqué (faccio) pour moi ».

 

Le salut personnel est insuffisant et complété par un salut dans un peuple. C’est la vocation d’Abraham rappelée par le pape qui détermine cette dimension, il « lui promet de faire un  peuple », (Dal momento che chiama Abramo, gli promette di fare un popolo »)

 

Mais outre la formulation curieuse de « privatisation », il nous faut remarquer que si l’Eglise est mentionnée une seule fois, le peuple, il popolo est mentionné 16 fois en 12,51 minutes. Ce « peuple » indéterminé n’est pas le « peuple de Dieu ».

 

Tout cela n’est pas anecdotique. Il ne s’agit pas d’un simple défaut de transmission ou de traduction. L’enjeu d’un tel sermon s’inscrit dans une problématique qui ne doit rien au hasard chez le pape qui vient de loin.

 

A suivre…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



04/02/2015
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