Le Terrorisme pastoral

Du peuple de Dieu à la culture de la rencontre 3

On ne va pas se débarrasser du jour au lendemain des thèses du pape Bergoglio.

Aussi nous conseillons la lecture entière du document que nous analysons : la conférence du professeur Carriquiry à Milwaukee : « La Théologie du peuple dans le magistère pastoral du pape François » 2018.

La présentation initiale de cette étude se trouve dans le n°1 de cette série.

Dans la deuxième partie de sa conférence : «  De quel peuple s'agit-il ? Résonances et implications », le professeur Carriquiry donne une précision qui n'a jamais retenu l'attention.

« Il y en qui disent que le pape François a les yeux qui brillent chaque fois qu'il prononce le mot « peuple ».

« Le mot « peuple »appartient au vocabulaire du pape François depuis son premier salut (place saint Pierre le jour de son élection)  : « peuple et évêques ensemble ». « peuple est le substantif le plus récurant dans le document programmatique le plus important du pontificat, qui est l'Exhortation apostolique Evangelii Gaudium : il apparaît 164 fois. »

Dans ses nombreux discours adressés aux Cariocas le cardinal a très largement développé ce thème.

«  La réalité d'un peuple se forge dans la conscience de ses origines, les vicissitudes historiques, dans le patrimoine de sa tradition, dans son « background » culturel et religieux dans l'ethos sociétal qui en découle et l'alimente dans sa capacité à intégrer diverses composantes dans un métissage ethnique et culturel, dans le tissus des « convivences » familiales, ouvrières et sociales dans un destin solidaire partagé pour une vie digne et bonne pour tous »...

«  L'expérience du « nous comme peuple » soit dans la forme singulière de « communion de personne, impliquées dans la recherche indissociable du bien,

de la vérité et de la beauté, en lutte pour un destin de paix , de justice et de fraternité ; c'est ce qui donne la chair et le sang aux démocraties participatives , non réduites à des mélanges de règles procédurières » .

Le pape dénonce également « la globalisation de l'exclusion et de l'indifférence ». «  El père Lucio Gera parlait d'un « anti-peuple » pour désigner les oligarques...

Dans la troisième partie, Carriquiry prolonge cette analyse.

« …Cette érosion ( globalisation de l'indifférence) se reflète à la fois et s'accentue dans le déficit de la politique réduite aux jeux de pouvoir et de spectacles médiatiques des corporations qui composent un « establishment » loin des nécessités et des espérances des gens, ou encore celui des modalités de colonisations idéologiques et culturelles qui portent atteinte à l'ethos partagé » …

«Les peuples se dégradent en « masse » sous les diktats idéologiques des oligarchies politiques, économiques , technocratiques.. »

Dans la quatrième partie, il précise à nouveau : « D'un côté, les oligarchies et les technocraties libérales , de l'autre les marxistes léninistes détestent la théologie du peuple... Ils considèrent les peuples et spécialement les pauvres comme de simples clientèles électorales ou masses de manœuvres , simples objets de la politique des « illuminés »... ». (Le mot espagnol iluminados désigne clairement le petit nombre de personnes qui détient le pouvoir et dont on ne connaît pas les noms).

Dans la cinquième partie, « Peuple y populisme » on lit :

« Plus importantes sont les racines politiques que beaucoup ont remarqué chez les tenants de la « théologie du peuple ».

Bergoglio a vécu certaine affinité politique et culturelle avec le vaste mouvement national et populaire que fut le péronisme en Argentine, sous les influences de la Doctrine Sociale de l’Église ( à la recherche d'une troisième voie entre le capitalisme et et le communisme).

Jorge Mario Bergoglio fait partie de toute une génération indignée par la violente répression contre le péronisme et le veto imposé par les forces armées à sa participation politique et électorale. Cependant il est tout aussi évident que Bergoglio n'a jamais professé une idéologie messianique du péronisme, ni participé

à son activité politique. Il ne s'est jamais déclaré péroniste. »

Carriquiry précise que la construction du pape est avant tout polyèdrique.

Nous devons cependant à la vérité de renvoyer aux chapitres 6, 7 et 9 de notre livre. Ou nous affirmons que les « fameux quatre principes sont empruntés à l'organisation du parti péroniste. Depuis plus de deux ans, personne n'a essayé de contester notre démonstration y compris après la parution aux Etats-Unis, de ce livre.

Dans un recueil de ses sermons, « Ponerse la patria al hombro » (Charger la patrie sur son dos), on peut lire celui du 25 mai 1999 qui se termine par les 4 principes péronistes : «  conveniendonos una vez mas que el todo es superior a la parte, el tiempo superior al espacio, la realidad es superior a la idea y la unidad es superior al conflicto » (page 21, italique dans le texte).

Note

Cette abondance de textes divers peut vous surprendre ! Sachez que les livres en français sur ces questions et spécialement , l'Argentine, sont très mal documentés.

Voici deux exemples : 

« Pour une vraie théologie de la libération. Philippe André-Vincent . OP. 1987 (survol sans aucune analyse sérieuse des grands fondateurs argentins et brésiliens !

Guerre Froide et Église catholique ed. Cerf 1999. Charles Antoine.

Il a été notamment directeur de Dial, Diffusion de l'Information sur l'Amérique Latine.

Il a été l'informateur numéro UN de l'épiscopat .Il a célébré avec une passion inaltérable tous les faits d'armes de la révolution sur le continent latino américain et leurs auteurs, les théologiens de la Libération.

Ces deux titres sont une "initiation partiale", et ils ignorent les affirmations du père Bergoglio du 18 février 1974.

En espagnol :

La teologia argentina del pueblo Lucio Gera - Edicion de Virginia R. Azcuy 2015

Lucio Gera est considéré par le cardinal Bergoglio, comme le maître par excellence de la théologie du peuple. Nous avons déjà signalé que le cardinal l'a fait inhumer dans la cathédrale de Buenos Aires. Cette indication « grave dans le marbre » les choix du futur pontife.

Teologia del Pueblo -Una propuesta argentina para latino-america – Sebastian Politi -Biblioteca - Testimonial del Bicentenario ; 2015 - livre très documenté.

Codigo Francesco - Como el papa se transformo en el principal lider politico global y cual es su estrategia para cambiar el mundo – Marcelo Larraquy. ed. Debate.

Journaliste et historien avec une vision globale passionnante.

La Iglesia que nace del pueblo – de la Iglesia oligarquica a la popular - Ruben DRI . Editorial Biblos (Argentine) 2015

En italien

Introduzione alla teologia del popolo - profilo spirituale et teologico di Rafael Tello - 2015 . Enrique Ciro Bianchi. ( avec une préface de Jorge Mario Bergoglio – Francesco.)

Ce livre très détaillé analyse la théologie du père Raphael Tello qui a influencé celle du père Bergoglio.

Teologia della liberazione .José Ramos Regidor . EDUP 2004

A la fin de ce livre, consulter «  Alcuni Protagonisti », un index de la théologie de la révolution. Très complet .L'auteur a été enseignant à l'Université Pontificale Salésienne de Rome et au centre IDOC de Rome de 1973 à 1990.

Pensar, crear, actuar . Metodologias para una teologia contextual. Universidad Biblica Latino-Americana (UBL). Costa Rica, protestant.

(Le titre est un démarquage de la formule de l'Action catholique : voir ,juger, agir.)

En anglais

Introduction Liberation Theology . Leonardo Boff - Clodovis Boff. 1987 et 2013. Traduction du portugais de 1986 : Como fazer teologia da Libertaçao. : très précis très documenté. Leonardo Boff pourra dire : « Il est des nôtres » à propos du Pape Bergoglio ; il inspirera directement une partie de l'encyclique Lauda Si.

Pour conclure : il existe des milliers de livres sur ce sujet. Nous en avons lu quelques centaines. Aucun ne donne la parole au père Bergoglio qui assure les fondements de la théologie du peuple en 1974, sauf ceux de J.C. Scanonne.

A suivre : Les fondements théologiques rappelés par Carriquiry, fondements qui sont la clé de toute la vie du père, de l'évêque, du cardinal Bergoglio et du pape François !