Le Terrorisme pastoral

Le Terrorisme pastoral

François , le grand communicant ,4

 

 

François, le grand Communicant - 4

(Les parties 2 et 3 ont été publiées les 18 et 20 janvier )

 

On pourrait penser qu’avec l’âge et l’expérience d’une pastorale rôdée et pluri- dimensionnelle, cette catégorisation (voir l’étude précédente) s’estomperait et que les adversaires irrédentistes n’assombriraient plus le paysage pontifical. Et que, enfin on ne verrait plus le Capitaine Haddock du Vatican emprunter le chemin des « moules à gaufres et Bachibouzouks », de notre enfance !

Force est de reconnaître qu’il n’en est rien ! Témoin, le dernier discours à la Curie romaine pour les vœux de Noël le lundi 21 décembre 2020. Une fois de plus les informateurs religieux, ayant éliminé le contenu idéologique des interventions pontificales, n’ont rien vu !

L’introduction du discours va chercher Hanna Arendt et Heidegger pour finir par nous dire « Un enfant nous est né », sans jamais dire qui est cette enfant, qui est sa mère, sa situation dans la Sainte Trinité et pourquoi il s’est incarné !

En revanche dès le paragraphe 3 il utilise le mot « crise » qu’il répètera 43 fois dans les 33,17 minutes du reste de son discours. (voir l’utilisation de ce mot dans, le Grand Communicant 2)

Mais avant cela, il va reprendre une antienne sur « le rêve » (mot éliminé du titre français du livre de Ivereigh ; voir, « Un temps pour changer », in 1ère partie) déjà utilisée pour introduire Fratelli tuti sous l’égide de L’Union Européenne et des pères Fondateurs dont il ne connaît rien si ce n’est la fable des Schumann et consorts.

Dommage que le livre de Philippe de Villiers n’ait pas été traduit en italien !

Le pape déclare donc « les rêves se construisent ensemble. Rêvons en tant qu’une seule et même humanité, comme des voyageurs partageant la même chair humaine, comme des enfants de cette même terre qui nous abrite tous, chacun avec la richesse de sa foi ou de ses convictions, chacun avec sa propre voix, tous frères. »

Ce rêve oublié des journalistes patentés lui servira de nouveau pour saluer l’arrivée de Joe Biden au pouvoir en rappelant le jour du « Martin Luther King Day », 18 janvier 2021, le célèbre discours du 28 août 1963 : « I have a dream ».

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Il s’agit, pour la Curie, d’un discours préparé et lu de bout en bout. Donc où tout a été préparé et calculé pour faire passer un message, celui de l’idéologie pontificale. Ici le mot clé est CRISE. Le pape va en jouer à travers l’Ancien et le Nouveau Testament pour arriver à une conclusion qui n’a plus rien à voir avec une exégèse « biblique ». Il prétend en réalité asseoir la légitimité de la réforme de l’Eglise catholique comme « une crise » comparable à beaucoup d’autres…« La Bible est aussi remplie de personnes qui sont « passées au crible », de « personnages en crise » mais qui, justement à travers elle, accomplissent l’histoire ».

 

Le mot histoire n’est pas là pour rappeler des événements mais pour bien souligner que l’histoire du Salut est une succession de chocs historiques et donc, que la crise actuelle est le signe d’un nécessaire passage historique à une autre phase du salut.

Tous les exemples bibliques sont cités au paragraphe 5 du discours.

 

Analyse des crises citées par le pape

 

 1 « La crise d’Abraham, qui abandonne sa terre (cf, GN12,1-2) et qui doit vivre la grande épreuve de devoir sacrifier à Dieu son fils unique (cf,Gen22, 1-19), se résout du point de vue théologal avec la naissance d’un nouveau peuple. Mais cette naissance n’épargne pas à Abraham le fait de devoir vivre un drame où la confusion et le dépaysement n’ont pas le dessus grâce à la force de sa foi ».

Commentaire :

 

Abbaye de Kergonan :

Homélie pour le 19e dimanche du temps ordinaire, 9 août 2020

C’est en obéissant à la parole du Christ qui lui dit : « Viens ! » que Pierre marche sur les eaux pour aller vers Jésus. Plusieurs fois, saint Paul parle de « l’obéissance de la foi ». Croire, c’est obéir, c’est à dire écouter, et donner sa confiance à celui qui parle. « Va vers le pays que je te montrerai », dit Dieu à Abraham, le père des croyants. Et Jésus fait l’éloge du centurion romain pour sa foi, lorsque celui-ci vient de donner en exemple l’obéissance de son serviteur à qui il dit : « Viens » et il vient, « Fais ceci » et il le fait ! La foi est donc l’écoute attentive et consentante de Dieu en qui on se confie ».

Pas de « crise » chez Abraham mais obéissance de la foi !

 

2 « La crise de Moïse se manifeste dans le manque de confiance en lui-même : « Qui suis-je pour aller trouver Pharaon et pour faire sortir ‘Egypte les fils d’Israël ? » ‘Ex 3,11) ; « Je n’ai jamais été doué pour la parole[..], j’ai la bouche lourde et la langue pesante » (Ex 4,10 ; « Je n’ai pas la parole facile » (Ex 6, 12.30. C’est pourquoi il tente de se soustraire à la mission que Dieu lui confie : « Envoie n’importe quel autre » (Ex 4, 13). Mais à travers cette crise, Dieu fait de Moïse son serviteur qui guidera le peuple hors d’Egypte. »

Le cas de Moïse est différent de celui d’Abraham. Il a tué un égyptien. Dieu lui explique ses projets mais Moïse reste indécis malgré le miracle du bâton et de la main lépreuse. Finalement, Dieu lui adjoint Aaron avec qui il ira parler à Pharaon. On connaît la suite. Moïse recevra le Décalogue mais n’entrera pas dans la Terre Promise et mourra sur le Mont Nebo.

On peut dire que Moïse a été de « crise en crise » selon la terminologie du pape mais que c’est Dieu qui réalise le plan qu’Il a conçu de toute éternité. Moïse ne se résume pas à ses faiblesses qui n’interrompent pas l’action divine. Ce ne sont pas les hésitations de Moïse qui sont les causes mêmes indirectes de l’action de Dieu.

 

3 Le troisième exemple de crise est le cas du prophète Elie. Celui-ci après avoir ridiculisé et fait massacrer les prophètes de Baal est poursuivi par Jézabel. Il s’enfuit dans l’Horeb où Dieu vient lui parler et l’assurer qu’il aura un successeur en la personne d’Elisée. Et celui qui avait demandé à Dieu de reprendre sa vie connaît que Dieu n’abandonne pas ceux qui n’ont pas fléchi le genou devant Baal.

La « crise » d’Elie conduit à la restauration, pour un temps, d’Israël. Dieu a donné un successeur à Moïse et il agit pareillement avec Elie. Le temps de l’alliance de Dieu avec son peuple ne connaît pas de hiatus dû à la faiblesse des hommes. Il suit son cours : l’histoire personnelle des prophètes ne conditionne pas l’action éternelle de Dieu dans l’histoire et n’en est jamais la cause.

 

 4 La quatrième crise est celle attribuée à Saint Jean Baptiste.

 

Jean Baptiste est tenaillé par le doute sur l’identité messianique de Jésus (cf. Mt 11, 2-6) parce que celui-ci ne se présente pas comme le justicier qu’il attendait peut-être (cf. Mt 3, 11-12). Mais l’incarcération de Jean est l’événement à la suite duquel Jésus commence à prêcher l’Evangile de Dieu. (cf. Mc 1, 14).

 

Il faut le lire pour le croire : Jean-Baptiste est tenaillé par le doute sur l’identité messianique ! Celui qui a été choisi dès le sein de sa mère, celui qui a entendu les paroles du Saint Esprit descendu sur celui qu’il baptisait : « Celui-ci est mon Fils bien -aimé en qui j’ai mis toutes mes complaisances ».

Notre pauvre pape n’arrête pas d’être en crise, lui !

 Il aurait dû lire Saint Jean Chrysostome : « Tant que Jean Baptiste était avec ses disciples il leur communiquait continuellement ses persuasions sur le Christ, c’est-à-dire qu’il leur recommandait de croire au Christ ; mais au moment de s’en aller, son zèle augmente, car il craint de laisser dans ses disciples un levain d’erreur et il redoute qu’ils ne demeurent séparés du Christ auquel il a voulu les reporter dès le commencement. S’il leur avait dit : Allez à lui, parce qu’il est meilleur que moi, il ne les aurait probablement pas persuadés, ils ne l’auraient pas cru ; ils auraient cru qu’il disait cela par un sentiment d’humilité et ils lui seraient restés plus fidèles qu’auparavant. Que fait-il donc ? Il les envoie, non tous, mais il en envoie deux, parce qu’il les regarde peut-être plus propres à convaincre les autres, afin que sa demande ne donne lieu à aucun soupçon, et qu’ils apprennent par leur propre expérience la distance qu’il y a entre lui et Jésus ».

Cette explication démonte le caractère complètement artificiel de cette collection de crises et par là, manifeste le phantasme sur lequel repose la démonstration pontificale et révèle un but qui n’a rien à voir avec l’Ecriture Sainte !

Cela est confirmé pat l’analyse de la « crise » de Saint Paul et les deux crises de Jésus !  

 

 4 « Et enfin la crise théologique de Paul de Tarse : secoué par la rencontre fulgurante avec Jésus sur le chemin de Damas (cf. Ac 9, 1-19 ; Ga 1, 15-16), il est poussé à abandonner ses sécurités pour suivre Jésus (cf. Ph 3, 4-10). Saint Paul est vraiment un homme qui s’est laissé transformer par la crise, et c’est pourquoi il a été l’artisan de cette crise qui a poussé l’Eglise à sortir de l’enclos d’Israël pour aller jusqu’aux confins de la terre. »

 

Y a-t-il eu crise ? Appeler crise l’illumination du chemin de Damas !

Dieu ne lui a pas demandé son avis : Saint Paul n’en est pas l’artisan. Chronologiquement cela est impossible : la conversion de Saint Paul ne procède pas d’une crise !  Dieu l’a instruit immédiatement et pleinement. Puis l’a conduit au désert pour parfaire sa « formation ». Il a été un serviteur fidèle qui avec la grâce de Dieu et sur ordre n’a pas poussé l’Eglise hors de l’enclos d’Israël ! (voir cette même idée dans Le grand communiquant 2, où le pape impute à l’Esprit Saint la désinstitutionnalisation de la synagogue pour institutionnaliser l’Eglise.

 

La crise vue par saint Paul lui-même !

« Quand celui qui m’avait choisi dès le sein de ma mère et appelé par sa grâce jugea bon de révéler son Fils en moi pour que je l’annonce parmi les Gentils, aussitôt, sans consulter qui que ce soit sans monter à Jérusalem vers ceux qui avaient été apôtres avant moi, je partis pour l’Arabie ; après quoi, je revins de nouveau à Damas » (Gal. 1, 15-16).

Saint Augustin a écrit cinq homélies sur Saint Paul et sa conversion. Voici un extrait de la quatrième :

« Ainsi désireux de s’emparer des chrétiens et de verser leur sang, il parcourait le chemin de Jérusalem à Damas, à la tête d’un certain nombre de ses complices, lorsqu’il entendit une voix du ciel. Mes frères, quels mérites avait acquis ce persécuteur ? Et cependant cette voix qui le frappe comme persécuteur, le relève apôtre ; voici Paul après Saul ; le voici qui prêche l’Evangile et il décline lui-même ses titres : « Je suis », dit-il, « le plus petit d’entre les Apôtres ». Que ce nom de Paul est bien choisi ! Ce mot, en latin, ne signifie-t-il pas petit, modique, moindre ? et cette signification, l’Apôtre ne craint pas de se l’appliquer à lui-même ».

Nous avons souligné quelques mots de ce texte. Peut-on dire plus en si peu de mot ? Vraiment, oser parler de « crise » procède d’une infirmité spirituelle et d’un aveuglement intellectuel rares pour justifier une thèse selon laquelle les chaos de l’histoire engendrent un monde nouveau supérieur à l’ancien !

On aura reconnu là, le truisme pontifical de « l’Eglise en sortie » qui va être l’objectif de la « démonstration » du pape ». L’Eglise d’aujourd’hui doit, sur ce modèle, quitter l’Eglise du Concile de Trente pour celle du Concile Vatican II.

(Voir l’étude de Carlos Schickendantz : Una recepcion fiel y creativa. El Concilio Vaticano II y Francisco – Une réception fidèle et créative. Le concile Vatican II et François).

Avant d’aborder les deux crises qui concernent le Christ « par l’expérience de la crise qu’il a vécue dans les tentations », celle « indescriptible » de Gethsémanie, et  « la crise extrême de la croix », il nous faut cerner le but poursuivi par le pontife.

 

Comme nous l’avons dit le sur-emploi du mot « crise » hors de toute raison est l’équivalent du « poumon » chez Molière, au point que le pape achève son discours par ces mots : « et, s’il vous plaît priez sans cesse pour moi afin que j’ai le courage de rester en crise ; Bon Noël » …et de recommander la lecture d’un livre sur Charles de Foucault  « un Maître de la crise ».

 

Cette indigence est marquée par des formules du genre

 «le temps de la crise est le temps de l’Esprit »,

 « ne pas confondre crise et conflit » (se rapportant aux quatre principes) ;

 «  toutes les résistances que nous mettons à entrer dans la crise en refusant de nous laisser conduire par l’Esprit durant le temps d’épreuve , nous condamnent à rester seuls et stériles, au mieux en conflit ; »

« Derrière toute crise se trouve une juste exigence de mise à jour : un pas en avant »

« L’Eglise est toujours un vase d’argile, précieux en raison de ce qu’il contient et non en raison de ce qu’il montre parfois de lui-même ».

« Ce n’est pas une manie que j’ai de parler contre le bavardage. C’est la dénonciation d’un mal qui est entré dans la Curie… le commérage qui nous enferme dans la plus triste, détestable et asphyxiante autoréférentialité, et qui transforme toute crise en conflit.…

« Que chacun de nous, quelle que soit la place qu’il occupe dans l’Eglise, se demande s’il veut suivre Jésus avec la docilité des bergers ou avec l’autoprotection d’Hérode, le suivre dans la crise ou se défendre de lui dans le conflit. »

Derrière ce pathos on comprend bien qu’une partie de la Curie ne suit pas le pontife dans sa volonté d’une nouvelle Eglise. C’est pourquoi il déclare : « Nous devons cesser de penser à la réforme de l’Eglise comme une pièce sur un vieux vêtement, ou à la simple rédaction d’une nouvelle constitution Apostolique. La réforme de l’Eglise c’est autre chose. »

 

A suivre…

 

 

 

 



21/02/2021
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