François, le Grand Communicant -6
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FRANCOIS, Le Grand Communicant – 6
(suite de l’analyse du discours à la Curie)
Pour nous conduire à la véritable idée qui soutient tout cette incroyable « analyse », le pape va user de différents procédés. Nous en choisissons plusieurs, tirés des paragraphes 6,7,8.. Ils figurent en caractères gras italiques.
« Celui qui ne regarde pas la crise à la lumière de l’Evangile se contente de faire l’autopsie d’un cadavre : il regarde la crise mais sans l’espérance de l’Evangile, sans la lumière de l’Evangile ».
« C’est l’Evangile qui nous met en crise. Mais si nous trouvons de nouveau le courage et l’humilité de dire à haute voix que le temps de la crise est un temps de l’Esprit, alors même devant l’expérience de l’obscurité, de la faiblesse, de la fragilité des contradictions, de l’égarement, nous ne nous sentirons plus écrasés ».
« Lire l’Eglise selon les catégories du conflit – droite et gauche, progressiste et traditionnalistes, fragmente, polarise, pervertit et trahit sa véritable nature : elle est un corps toujours en crise justement parce qu’il est vivant, mais elle ne doit jamais devenir un corps en conflit avec des vainqueurs et des vaincus. Car, de cette manière, elle répandra la crainte, elle deviendra plus rigide, moins synodale et imposera une logique uniforme et uniformisante bien loin de la richesse et de la diversité que l’esprit a donné à son Eglise ».
« La nouveauté introduite par la crise voulue par l’Esprit n’est jamais une nouveauté en opposition avec ce qui est ancien ».
Le pape cite alors le passage de saint Jean « Si le grain de blé tombé en terre… » (Jn,12, 24) « nous voyons sous nos yeux une fin et, en même temps, dans cette fin, se manifeste un nouveau commencement ».
« En ce sens, toutes les résistances que nous mettons à entrer dans la crise en refusant de nous laisser conduire par l’Esprit durant le temps de l’épreuve, nous condamnent à rester seuls et stériles, au mieux en conflit. En nous défendant de la crise, nous faisons obstacle à l’œuvre de la grâce de Dieu qui veut se manifester à travers nous ».
« Tout le mal, le contradictoire, le faible et le fragile qui se manifestent ouvertement, nous rappellent avec encore plus de force la nécessité de mourir à une manière d’être, de réfléchir et d’agir qui ne reflète pas l’Evangile. C’est seulement en mourant à une certaine mentalité que nous réussirons à faire place à la nouveauté que l’Esprit suscite constamment dans le cœur de l’Eglise. Les pères de l’Eglise étaient conscients de cela, ce que nous appelons « la « metanoïa ». (L’utilisation de ce mot devant un auditoire savant n’est pas innocent. L’injonction du pape s’adresse à la vie spirituelle, ascétique et mystique. Pour suivre le mouvement de réforme il faut se repentir, se convertir et revenir à Dieu)
« Derrière toute crise se trouve toujours une juste exigence de mise à jour : un pas en avant. »
Nous ne pouvons tout citer. Il est facile de se reporter au texte officiel.
L’auditeur et le lecteur comprennent que le pape ne dit jamais ce qui va changer ni quelle sera la nouveauté qui sortira de la crise. Aussi après n’avoir donné aucune piste nous allons voir comment il va orienter son auditoire vers une conception personnelle de la tradition.
« Que l’on n’innove rien sinon dans le sens de la tradition », a dit Saint Pie X. Le clergé auquel s’adresse le pape, a encore cet enseignement au fond de sa mémoire et il convient de la déconnecter.
- « Le trésor de la tradition qui, comme le rappelait Benoît XVI, « est le fleuve vivant qui nous relie aux origines, le fleuve vivant dans lequel les origines sont toujours présentes. Le grand fleuve qui nous conduit au port de l’éternité » (Catéchèse, 26 avril 2006). »
- « Il me vient à l’esprit la phrase du grand musicien allemand ; « La tradition c’est la sauvegarde de l’avenir, et non pas un musée, gardien des cendres».
Cette citation le pape l’a utilisée plusieurs fois notamment dans sa « Lettre du pape François au peuple de Dieu pélerinant en Allemagne » du 29 juin 2019.
Mais il y a un problème !
Le texte allemand de la lettre cite une adaptation du pape lui-même et c’est cette adaptation qui est traduite en allemand ! Ce texte est accompagné d’une note, laquelle précise : « attribuée à Gustav Malher : « La tradition est la garantie du futur et pas la conservation des cendres ».
La traduction de la Lettre en français donne ceci : « La Tradition a pour mission de maintenir le feu vivant plutôt que de garder les cendres ».
Cette citation à géométrie variable donne ceci dans la version espagnole : La tradicion es la salvaguarda del futuro y no la conservacion de las cenizas ». C’est la traduction exacte du texte de la note.
MAIS, Gustav Mahler n’a jamais écrit cela. Il a écrit : « Tradition ist die Weitergabe des Feuers und nicht die Anbetung der Asche »
Ce qui se traduit par : La tradition est la transmission du feu et non la vénération des cendres ». (C’est Yves Daoudal qui nous a appris la supercherie ! dans son bulletin du 19 novembre 2019.)
3 - Pour montrer son intérêt pour la tradition le pape ajoute même encore une citation du Vème siècle, en latin : « Ut annis scilicet consolidetur, dilatetur tempore, sublimetur aetate ».
Après avoir précisé à son auditoire le sens de la tradition selon Mahler le pape reprend son idée initiale :
« Si nous nous laissons guider par l’Esprit nous nous approcherons chaque jour davantage de la « vérité tout entière » (JN 16,13). Au contraire, sans la grâce de l’Esprit Saint, on peut bien commencer à penser l’Eglise sous forme synodale mais qui, au lieu de faire référence à la communion avec la présence de l’Esprit, en arrive à se concevoir comme une assemblée démocratique quelconque faite de majorités et de minorités. Comme un parlement, par exemple : et cela, ce n’est pas la synodalité. Seule la présence de l’Esprit Saint fait la différence. »
« Et le premier mal auquel nous conduit le conflit - (dégénérescence de la crise chez les esprits indociles) -, et dont nous devons chercher à rester à distance, est le bavardage - (emploi d’un mot banal qui contraste violemment avec la suite du propos) - : soyons attentifs à cela ! Ce n’est pas une manie que j’ai de parler contre le bavardage. C’est la dénonciation d’un mal qui entre dans la Curie. Ici, au Palais, il y a beaucoup de portes et fenêtres, et il entre et nous nous habituons à cela ; le commérage qui nous enferme dans la plus triste, détestable et asphyxiante autoréférentialité, et qui transforme toute crise en conflit. L’Evangile raconte que les bergers ont cru l’annonce de l’ange et qu’ils se mirent en route vers Jésus (cf. Lc2,15-16). Hérode en revanche, s’est fermé au récit des Mages et a transformé cette fermeture en mensonge et en violence (cf. Mt2,1-16). (commentaires italiques de notre fait.)
Que chacun de nous, quel que soit la place qu’il occupe dans l’Eglise, se demande s’il veut suivre Jésus avec la docilité des bergers ou avec l’autoprotection d’Hérode, le suivre dans la crise ou se défendre de lui dans le conflit »
Notre analyse
En fait tout ce discours est une tentative de reconditionnement de la Curie qui échappe encore au contrôle idéologique du pape.
Il bâtit pour cela un argumentaire associé au mot « crise » et il va l’exploiter au-delà de toute limite ! Pour finir, il va clouer la Curie au pilori. Cette partie est, selon nous, un chef-d’œuvre. Elle vise à hypnotiser l’auditoire avec tous les ressorts propres à la dialectique pontificale .
D’abord, une dénonciation accusatrice qui va du simple mal au bavardage, puis à nouveau au mal, puis au commérage, et s’achève par le marquage idéologique infâmant de l’autoréférentialité (déjà utilisée à Buenos Aires). Avec cet opprobre moral, véritable infection dégénérative, et le renvoi dans le système des quatre principes (passage de la crise au « conflit »), on atteint des sommets.
Le linguiste mondialement connu, Noam Chomsky, a élaboré une liste des « Dix stratégies de manipulations ». Nous en retiendrons deux qui correspondent à la pratique pontificale.
1 – « Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion : Faire appel à l’émotionnel est une technique classique pour court-circuiter l’analyse rationnelle, et donc le sens critique des individus. De plus, l’utilisation du registre émotionnel permet d’ouvrir la porte d’accès à l’inconscient pour implanter des idées, des désirs, des peurs, des pulsions, ou des comportements. »
2 – « Remplacer la révolte par la culpabilité : Faire croire à l’individu qu’il est seul responsable de son malheur, à cause de l’insuffisance de ses capacités, ou de ses efforts. Ainsi, au lieu de se révolter contre le système, contre le système économique, l’individu s’auto-dévalue et culpabilise, ce qui engendre un état dépressif dont l’un des effets est l’inhibition de l’action. »
Le final de ce feu d’artifice est la reprise de toutes ces accusations précédentes sur le mode dialectique évangélique : « berger versus Hérode », « docilité versus auto- protection (reprise d’autoréférentialité) d’Hérode et retour au système bergoglien crise contre conflit.
Comme bouquet, le pape cite sans le nommer Helder Camara, « un saint évêque brésilien » pour qui les pauvres étaient au centre de l’Evangile.
Ce « saint évêque » voulait, entre autres, aider à libérer le pape, à libérer les évêques, à libérer l’Eglise ». (L’Evangile avec Dom Helder, page 186 ; ed. du Seuil).
La théologie de la libération a changé de vocabulaire mais on retrouve ici chez le pape, l’ardent désir de Ignacio Ellacuria s.j. : Convertir l’Eglise au règne de Dieu pour l’annoncer et le réaliser dans l’histoire. (Conversion de la Iglesia al reino de Dios : para anunciarlo y realizarlo en la historia - UCA, editores 1985).
C’est qu’avait précisé Austen Ivereigh : « Le pape François et sa lutte pour convertir l’Eglise catholique ». (voir, Le grand Communicant – 1)
Pour mémoire ce discours est celui des vœux de Noël à la Curie !
A suivre
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