Le synode et la politique pontificale
L'aspect politique du Synode a été peu évoqué voir omis. Or , le pape pense depuis longtemps à une "globalisation", à une nouvelle organisation de l'Amérique-latine et du monde.
Le pape n’est pas théologien. Il ne répond jamais aux questions proprement théologiques qui lui sont posées. Il préfère affubler ses « opposants » de qualificatifs variés ce qui convient au simplisme de la vie politique.
En revanche, il s’engage sur les chemins de la politique globaliste avec une grande ferveur. Dans le prologue qu’il donne au livre de Carriquiry, (cf,supra) il souligne la passion et l’intelligence de l’auteur. S’il reconnaît que ce n’est pas là, la tâche d’un pasteur de l’Eglise, il en reconnaît la valeur éducative et la possibilité de construire des chemins d’espérance. Cet aspect lui tient à cœur et il a recours pour cela à une formule chère aux péronistes : « …mobilisation et participation constructives des peuples, ou des personnes ou des familles, des communautés les plus diverses, des associations, d’une communauté organisée, (souligné par nous) qui met en mouvement les meilleures ressources de l’humanité qui viennent de notre tradition… ». Ce grand mouvement est fondé sur « l’auto-conscience catholique et latino-américaine » et « l’intelligence catholique du développement latino-américain ».
Le cardinal souligne un autre mérite du livre celui d’illustrer la confiance et la puissance de la foi catholique « de nos peuples », « tant du point de vue de l’intelligence et de la transformation de la réalité que comme une réponse au souffle de vérité, de justice et de bonheur qui bat dans le cœur des latino-américains et dans l’authentique culture de ses peuples. Les empreintes laissées par l’évangélisation sont des semences pour une nouvelle création dans un monde déchiré. » Quelle éloquence ! On pense alors à une nouvelle évangélisation !
Or, deux paragraphes plus loin, le ton grandiloquent fait place à un réalisme politique nouveau et inattendu.
Il y a deux globalisations qui s’opposent : la globalisation impériale qui établit les peuples selon un modèle uniforme qui annule les particularités : globalisation totalitaire la plus dangereuse de la post modernité, et la véritable globalisation qui conçoit les peuples comme appartenant à une sphère polyédrique qui conserve à chacun son identité et ses particularités et qui s’unissent dans une tension harmonieuse cherchant le bien commun. Le cardinal explicite sa pensée dans une expression spéciale pour souligner l’aptitude des peuples à vivre en harmonie, « l’idiosyncrasie des peuples ».
Quatorze ans plus tard le 8 octobre 2019, il reprendra la même formule dans le discours d’ouverture de la Congrégation du Synode. Il faut approcher les peuples indigènes sur la pointe des pieds : pour le pontife, « il est donc nécessaire de fuir le « centralisme homogénéisant et homogénéisateur » qui étouffe l’authenticité des peuples. Sont donc à éviter absolument toutes les colonisations idéologiques qui « détruisent l’idiosyncrasie des peuples ».
Les termes de « polyèdre » et de « idiosyncrasie des peuples » appartiennent à registre très spécifique, emprunté par le cardinal Bergoglio et le pape. Ils feront l’objet d’une étude approfondie car ce sont des mots clés de la politique du pape.
Si l’on considère maintenant le second livre de Carriquiry, publié en 2007, avec préface du cardinal Ouellet, nous sommes dans un registre très politisé où, dès le titre n’apparaît plus vraiment l’idéal chrétien : Globalisation et Humanisme Chrétien – perspectives sur l’Amérique Latine.
Il s’agit d’une recension de la situation économique et de l’influence des Etats Unis sur l’Amérique latine. L’auteur s’élève contre la mondialisation de la culture états-unienne en valorisant les éléments économiques et culturels du Cône Sud qui pourraient permettre, qu’enfin, celui-ci devienne un véritable partenaire continental et mondial dans le concert des nations. « Le MERCOSUR », sorte de marché commun entre Argentine, Uruguay, Brésil et Paraguay, auxquels se joint le Venezuela en 2012, devient à ces yeux une première approche positive. Il suit en cela l’avis de Alberto Methol Ferré penseur très admiré du cardinal Bergoglio et maître et ami de l’auteur : « Les petites patries s’en tirent grâce à la Grande Patrie latino-américaine de l’Union sud -américaine qui doit passer par la difficile et nécessaire avenue principale du MERCOSUR ».
Un grand nombre de revues, d’Institutions concourent à donner l’illusion que cette rencontre des pays latino-américains va se produire. Helio Jaguaribe, écrit : « Le Mercosur est un passeport pour l’histoire. » La réponse américaine ne tarde pas avec l’ALENA, en 1992, (Accord de libre-échange nord-américain entre les Etats Unis, le Canada et le Mexique), puis la ZLEA en 1994, Zone de libre-échange des Amériques) de l’Alaska à la Terre de Feu. Aujourd’hui, la Zone comprend 34 pays, avec la France, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. En 2011, nouvelle entité, l’Alliance du Pacifique, avec le Chili, Le Pérou, la Bolivie et le Mexique.
Le Brésil caracole en 2011 en intégrant la BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, et l’Afrique du Sud.
La lex mercatoria comme voie d’union entre les peuples, voilà une partie du rêve fou de la globalisation !
Cette aspiration vient de loin !
Dès l’établissement des Etats sud-américains entre 1800 et 1820, chaque dictateur installé, rêve de s’unir à son voisin sur le modèle des Etats américains. Malheureusement, ni Bolivar ni aucun autre fondateur ne réussira cette entreprise. Au contraire tout ce siècle et pendant le suivant jusqu’en 1930 - date à laquelle tous les voisins du Paraguay chercheront à s’emparer de ce pays pauvre-, c‘est la guerre permanente. Ces états nouveaux ont un seul trait commun, la franc-maçonnerie. Le seul chef d’Etat non maçon, Garcia Moreno, président de l’Equateur sera assassiné en haine de la foi catholique.
Nous avons là des guerres permanentes où des féodalités cherchent à s’imposer à n’importe quel prix.
L’Argentine n’est pas en reste. Un de ses fondateurs après deux années d’ambassade aux Etats-Unis, Domingo Faustino Sarmiento, franc-maçon, applique les recettes de la « conquête de l’Ouest » à son pays. Il fait massacrer plus de 150 000 mille indiens qui sont des barbares constituant un obstacle à l’entrée de l’Argentine dans le monde moderne des nations européennes.
« Parviendrons-nous à exterminer les Indiens ? J’éprouve pour les sauvages d’Amérique une invincible répugnance, sans pouvoir y remédier. Cette canaille n’est autre chose que quelques Indiens répugnants que je donnerais l’ordre de pendre s’ils réapparaissaient aujourd’hui. Lautaro et Caupolicán sont des Indiens pouilleux, car ils le sont tous. Incapables de progrès, leur extermination est providentielle et utile, sublime et grande. Il y a lieu de les exterminer, sans pardonner même au petit, lequel possède déjà la haine instinctive contre l’homme civilisé. »
« Ne t’efforce pas d’économiser le sang des gauchos. Cela est un engrais qu’il est nécessaire de rendre utile au pays. Le sang est la seule chose d’humain qu’ils ont. »
Il institue l’enseignement laïc, gratuit et obligatoire sur le modèle de celui de Jules Ferry pour s’assurer d’une population acquise aux idées de progrès. (L’extension de la maçonnerie à cette époque est aussi le fait du ministre français qui va installer des loges dans toutes les colonies.)
D.F. Sarmiento est tout entier tourné vers l’imitation de l’Europe et des Etats- Unis
Le général Peron reprendra la même idée d’une mythique « GRANDE PATRIE » latino-américaine et cherchera à s’associer pour cela avec Fidel Castro.
Avec la globalisation, ce vaste programme a été repris par le pape François qui prêche au monde entier le dialogue, la rencontre, la résolution des conflits…et dernièrement, la création, pour le 4 février 2020, d’une journée mondiale de la Fraternité Universelle.
La Compagnie de Jésus a, depuis le Concile, orienté les états latino-américains vers des luttes de libération contre les dépendances économiques et culturelles. L’idées est toujours la même. Seul, le moteur idéologique a changé. L’inculturation religieuse est seulement évoquée par Carriquiry, en 2005 : « L’expression religieuse privilégiée du métissage ibéro américain est le culte marial. Il contient la vraie clé de l’interprétation du baroque (…). Les images de la Pachamama (Terre mère) et de Tonazin (mère de tous les hommes)…ont trouvé en Marie la possibilité de se comprendre, de s’intégrer et de valoriser l’expérience réelle de la rencontre des peuples qui commençaient à se connaître ». (Pages 184-185 opus cit).
En 2011, dans Le bicentenaire de l’indépendance des pays d’Amérique-Latine, il reprend la même antienne et reçoit une fois de plus, les louanges du futur pape. Ce dernier, dénonce à cette occasion un « théisme spray », un théisme diffus, sans incarnation historique, au maximum créateur de l’œcuménisme maçonnique. »
En 2012, lors de son discours de réception comme docteur honoris causa, de l’Université Catholique Pontificale d’Argentine, Carriquiry reprendra le même thème avec un bémol à cause de son auditoire : « Il n’y a pas de symboles latino-américains plus inclusifs- beaucoup plus inclusifs que celle qu’on appelle « la terre mère, où se mêlent les traditions indigènes avec l’écologie panthéiste et la sensibilité du « new age » - que les images mariales de Notre Dame de Guadalupe ou, les visages du Christ souffrant et silencieux de Esquipulas au Guatemala, du Seigneur des Miracles au Pérou ou d’autres Christs latino-américains. Ils symbolisent à la fois le métissage culturel et l’évangélisation inculturée ».
Avec l’arrivée de François, le monde est redevenu bipolaire. A la modernité de Sarmiento correspond celle du pape, radicale et sans pitié un tyran populaire pour reprendre une expression de Fustel de Coulanges.
Les ennemis de la globalisation sont les indiens d’hier. On les exécute comme pharisiens, néo-gnostiques ou pélagiens. Hier les indiens étaient ignorants aujourd’hui, il s’agit de « minorités élitistes » à la solde « d’oligarchies politiques »et de vieux cléricaux etc… parqués dans des réserves dont on espère qu’ils ne sortiront jamais. Ils sont partisans d’une globalisation de l’exclusion et de l’indifférence. Ils ne sont rien face à sainte globalisation écologique.
Et alors les indiens d’Amazonie, c’est quoi ? C’est le Cuba de la globalisation où vont être testées toutes les mirifiques nouveautés d’une Eglise polyèdrique !
La globalisation du pape est une conjonction du mythe de La Patria Grande et de la la paix universelle par l’éradication de la pauvreté grâce une lutte des pauvres contre les riches, luttes vieilles comme le monde si l’on en croit Fustel de Coulanges.
A suivre
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