Le Terrorisme pastoral

Le Terrorisme pastoral

Réponse à un lecteur

 

 

 

Un bienveillant lecteur de « François, La conquête du pouvoir » m'a posé cette question :

 

 

 

Pourquoi les papes Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI n'ont-ils pas répondu aux erreurs et aux attaques de la théologie de la libération et de la théologie du peuple  ?

 

 

 

Evidemment, il n'y a pas de réponse unique. Je vais essayer cependant d'être précis.

 

 

 

Tous les libérationnistes ont comme référence initiale absolue l'Action catholique belge et française !

 

 

 

Les encycliques "conciliaristes" de Paul VI alimentent la TDL. Paul VI comprend le rôle essentiel des jésuites et il leur adresse une lettre très dure. Mais Paul VI n'est pas de taille à résister au manoeuvrier qu'est le général des jésuites, le père Arrupe. Les jésuites, sont présents en Amérique Latine notamment au Chili, en Argentine au Nicaragua et dans toute l'Amérique Centrale. Dès 1972, l'Espagne des jésuites de Comillas (Université Jésuite de Madrid) est à la tâche dans toute l'Amérique latine.

 

 

 

Le père dominicain lLouis-Joseph Lebret inspire Paul VI pour Populorum progressio  . .

Le père Lebret est le premier organisateur de la révolution sur le continent latino-américain. Il va parcourir dès 1947 le Brésil puis une dizaine d'autres pays du continent. Et il va convaincre, mgr Helder Camara,  d'organiser une nouvelle pastorale inspirée de Humanisme et Développement qui reprend sous un mode « développement harmonisé et économie humaine » les idées de Maritain, d'Emmanuel Mounier etc …

Le tandem Camara-Lebret installe partout au Brésil des groupes d'action jusque dans les favellas de Sao Paulo. Si vous lisez « Entretien avec Leonardo Boff » (1996), vous découvrirez ce témoignage :

« ...plus que Gustavo Gutierrez et Joao Luiz, le vrai père de la théologie de la libération fut Helder Camara. Il a inauguré la pratique libératrice du travail avec les pauvres(...) C'est lui qui a forgé l'expression «  Libération intégrale » en 1967 lors de la réunion du CELAM à Montevideo.(...) Il est le vrai père, dans le sens où il a été le premier à inaugurer une pratique de libération et le premier à faire des réflexions prophétiques-pastorales sur la libération. Nous, théologiens , nous sommes venus plus tard (…) Mais le vrai père, la source inspiratrice de la pratique et de la vie , c'était Helder Camara ».

 

 

 

José Henrique Artigas de Godoy, l'auteur brésilien le plus sûr et le plus complet sur la relation Lebret – Amérique latine- a écrit :

 

« Le CELAM a mis D. Helder et le maritainiste chilien D. Manuel Larrain en contact avec un vaste réseau de clercs et de théologiens progressistes en Amérique latine et a ouvert la voie à une profonde transformation doctrinale de l'Eglise dans la région ».

 

LOWY écrit de son côté :

 

« La théologie de la libération n'est pas à l'origine du christianisme radical, mais plutôt comme le soulignent les théologiens eux mêmes, le produit , le résultat de toute une pratique, d'une expérience antérieure - à commencer par la JUC brésilienne de 1960-1962...la théologie est venue dans un second temps. Elle est venue comme une expression de cette pratique libératrice de l'Eglise. »

 

 

Cher lecteur, savez-vous que Helder Camara a été publié dans le monde entier ! En France – Le Seuil, DDB, Nouvelle Cité, etc...

 

A titre d'indication Economie et Humanisme fondé par le père Lebret a reçu en 1951 un financement de 500 000fr, en 1952, 700 000fr, en en 1953 et 1954, 1MF de l'ACA ( Assemblée des cardinaux et archevêques.)

 

Avant de charger la barque des papes... apprenez qu'ils ont reçu une Eglise « ingouvernable » à commencer par celle de France  et son appareil ecclésiastique!. Or c'est elle qui va semer la zizanie pendant que nous dormions !

 

 

Paul VI l devient pape en 1963 et meurt en 1978.

 

C'est la période d'installation  de la théologie de la libération et de la théologie du peuple (branche argentine de la TDL). Tous les grands acteurs sont en place : les belges Joseph Comblin, et François Houtart, (au Brésil et au Chili pour le premier) ; le second instaure une documentation sur le continent de plus de trente volumes ; au Mexique, Ivan ILLICH fonde le CIDOC en 1961.

Les deux maîtres à penser de Bergoglio ( J.C. Scannone, S.J. et Lucio Gera) font leurs études de théologie en Allemagne.  Le premier est un moderniste radical ( Maurice Blondel), le second vient tout droit de la TDL en passant par l'Uruguay.

En 1967 Helder Camara lance le MSTM (Mouvement des prêtres pour le tiers-monde) ; Lucio Gera adhère en 1968 : le programme... faire la révolution dans l'Eglise !

 

Gera a été animateur de l'A.C. en Argentine. De son côté Scannone ira jusqu'à écrire que la règle d'analyse du Concile est le "voir, juger agir " de l'Action Catholique.

 

Le jésuite O'Keefe attaquera directement le pape Paul VI, défunt, dans le journal hollandais DE TIJD en septembre 1978 pour protester contre Humanae Vitae !

Le pontificat du pape Paul VI est un vaste champ de bataille : La profession de foi ( 30 juin 1968): le pape est conscient de la démolition de l'Eglise qu'il ne peut arrêter trois ans après la fin du Concile !

 

L'arrivée de Jean Paul II ne change rien à cette situation.

 

Dés 1979 à Puebla au Mexique, il fait une déclaration à l'adresse des évêques :

 

« Veiller sur la pureté de la doctrine, fondement de l'édification de la communauté chrétienne, est donc , avec l'annonce de l'Evangile, le devoir premier et irremplaçable du Pasteur, du Maître de la foi […] Tout silence, tout oubli, toute mutilation ou accentuation inadéquate, qui affecte l'intégrité du mystère de Jésus-Christ et s'écarte de la foi de l'Eglise, ne peut constituer un contenu valable de l'évangélisation ».

 

Maîtres de la vérité, on attend de vous que vous proclamiez inlassablement , avec une vigueur spéciale en la circonstance présente, la vérité sur la mission de l'Eglise, objet du Credo que nous professons, et terrain irremplaçable et fondamental de notre fidélité ».

 

Imaginer que le pape n'est pas intervenu, est une affabulation triste.

En revanche on ferait mieux de s'intéresser à toutes les manœuvres venues d'Europe et organisées en Amérique latine pour s'opposer à la volonté pontificale. Toute la presse officielle catholique sous contrôle épiscopal en France, ne connaît que le CCFD et Charles Antoine ! En 1985 Yann Moncomble publie « La mafia des chrétiens de Gauche ». La même année Georges Hourdin lance un appel au pape et aux évêques : Au pape Jean Paul II et aux évêques du Synode sur la nécessité d'achever le Concile.

Ces deux ouvrages , publiés la même année, montrent à l'évidence la division radicale qui perdure aujourd'hui dans l'Eglise.

Jean Paul II va multiplier les voyages : Rio 1980, Saint Domingue 1992, Cuba 1997..

En 1983 le voyage de trop à Managua  !  Le pape croyait qu'il allait soulever les foules. Mais à Managua, il n'y pas comme en Pologne d'accord entre le parti et l'Eglise pour régler  les manifestations religieuses.

Le pouvoir a été pris par les Sandinistes appuyés par une cohorte de curés et de religieux révolutionnaires . Quatre prêtres émargent au gouvernement : le jésuite Fernando Cardenal est le grand patron de la formation idéologique pendant que son frère ministre de la culture déclare : «  Comunismo o Reino de Dios en la Tierra es lo mismo » !Le communisme ou le règne de Dieu sur la terre c'est la même chose.

 

La situation actuelle au Nicaragua (2023), est la conséquence de la première révolution de 1979.Jamais, contrairement à ce que raconte Yves Chiron, dans LA NEF ou L'Homme Nouveau, il n'y a eu de révolution chrétienne. (voir notre blog ) Le christianisme révolutionnaire du Nicaragua est organisé à partir des modes opératoires de toute l'Europe progressiste. Les jésuites y ont joué un rôle capital avec Ernesto Cardenal et Cesar Jeres provincial des jésuites d'Amérique Latine et la UCA (Université Centre Amérique du Salvador) Sobrino, sj. . Sanctionné par le cardinal Ratzinger sur 6 points de doctrine fondamentale, il se permettra de traiter publiquement le cardinal « d'ignorant » et demandera justice au général des jésuites contre le cardinal ... Il sera reçu généreusement par « François » au Vatican pour l'anniversaire de la déclaration des Catacombes en 1965.

 

Il est à noter que tous les papes vont faire des discours et des homélies remarquables sur le continent . Mais l'Eglise latino-américaine contrôle les fidèles et tient tout l'appareil grâce aux multiples connexions du CELAM ( Conférence des évêques d'Amérique Latine) et... le pape revenu à Rome... c'est fini. On le verra avec Paul VI à Medellin et avec Benoît XVI au Brésil à Aparecida. En 2007. Pour mémoire rappelons l'Exhortation apostolique de Paul VI «  sur la réconciliation à l'intérieur de l'Eglise » ( 8 décembre 1974).

Aucun écho en France !!!

Pour mémoire :L'Eglise sacrement d'Unité, Obsurcissements de la sacramentalité de l'Eglise, etc.

 

Toutes les analyses y compris les deux Instructions du Cardinal Ratzinger de 1984 et 1986, ne rapportent l'origine de la théologie de la libération à l'Action catholique européenne mais au marxisme spécialement à Gustavo Gutierrez. Cette insuffisance est relative  ; mais Leonardo Boff pourra ironiser en disant avec raison que la TDL n'a rien à voir avec le marxisme.

Ces deux documents contiennent toutes les analyses doctrinales et les directives nécessaires à l'intelligence et à l'action des autorité ecclésiastiques et laïques.

 

En France c'est le silence complet !

L'épiscopat français cornaqué par les tiers-mondistes et toute la presse d'Etat, est totalement incapable d'une véritable connaissance de ce qu'il se passe !

Il n'a pas voulu reconnaître la leçon de la deuxième lettre sur la théologie de la libération :

 

«  D'autre part Luther , à partir de sa lecture de Saint Paul, entendait lutter pour la libération du joug de la loi, représenté à ses yeux par l'Eglise de son temps.Mais c'est surtout au siècle des Lumières et à la Révolution française que l'appel à la liberté retentit dans toute sa force . Dès lors, beaucoup regardent l'histoire à venir comme un irrésistible processus de libération devant conduire à une ère où l'homme, enfin totalement libre , jouirait dès cette terre de la félicité. » (Libertatis conscientia, 22 mars 1986 1,6).

 

§ 98 : «  Mais ce serait une grave perversion de capter les énergies de la religiosité populaire pour les détourner vers un projet de libération purement terrestres, qui se révélerait très tôt être une illusion et une cause de nouvelles servitudes »

 

 

 

La grande libération latino américaine est née au Brésil dans les communautés de Base avec les premiers synodes qui fleurissent partout ! L'anarchie libertaire de la TDL-TDP qui s'est répandue dans l'Eglise est née là !

Evidemment la non-science de l'épiscopat français qui brasse de l'écologie à la vitesse d'une éolienne, ne sait rien. Pour ces aveugles qui prétendent nous « mettre en chemin » voici ce que l'histoire, la vraie, leur dit : La synodalité c'est ça !

 

« Devant une théologie comme celle là , si l'évêque ne l'accepte pas, ça veut dire qu'il n'appartient pas à la communauté... il n'est pas membre de l'ecclésia et la communauté n'est pas tenue de lui obéir en quoi que ce soit «  ( La Eclesiologia de las communidades Eclesiales de Base- Cuadernos Pastorales N°12, Fortaleza, 1983, page 21 ).

 

Pour ceux qui prétendent nous dire ce qu'a été le discours de la révolution sandiniste sans rien savoir:

« Dans la communauté chrétienne nous recevons l'aliment pour cela et nous célébrons la visibilité du Règne dans les progrès de la Révolution Sandiniste »  (Que es la teologia de la liberacion ? -Managua- Cahiers Populaires N°2, 1980 page 27).

Mes Seigneurs, évêques de France, je vous conseille de lire le programme de l'Eglise prononcé par Jean-Paul II à San José de Costa Rica en mars 1983... il est toujours actuel ! Oubliez le « Jésus et la libération en Amérique latine » de votre confrère, Joseph Doré !

 

 

 

À suivre...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



23/04/2023
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