Eugenio Scalfari et le pape François - 2
Eugenio Scalfari et le pape François – 2
Dans notre article précédent nous avons montré la relation, cardinal Martini (mort en août 2012), Eugenio Scalfari, pape François. L'analyse des échanges qui ont eu lieu de 2013 à ce jour vont confirmer ces affinités et nous permettre de découvrir les raisons de cette alliance entre le journaliste nonagénaire et le pape.
Lettre du pape à Scalfari du 17/09/2013.
Il s'agit d'une réponse à deux lettres de Scalfari du 7 juillet et du 7 août adressées au pape. Scalfari a envoyé ses réflexions sur l'encyclique Lumen Fidei.
La démarche de Scalfari provoque chez le pape une immense satisfaction car elle lui donne la possibilité de dialoguer avec un incroyant, un athée proclamé. Cette volonté de dialogue le pape l'inscrit dans le sillage de Vatican II : « Le temps est désormais venu, et Vatican II en a précisément inauguré la saison, d'instaurer un dialogue ouvert et exempt de préjugés, susceptible de rouvrir les portes à une rencontre sérieuse et féconde. …. ce dialogue n'est pas un accessoire secondaire de l'existence du croyant : il en est au contraire une expression intime et indispensable ».
1 - Le pape résume un exposé sur le Christ : « Voici ce que croit la foi chrétienne : que Jésus est le Fils de Dieu venu pour donner sa vie afin d'ouvrir à tous la voie de l'amour. Vous avez donc raison, cher Monsieur Scalfari, quand vous voyez dans l'incarnation du Fils de Dieu le pivot de la foi chrétienne ». (Jamais question de péché et rédemption).
2 - Question de Scalfari réécrite par le pape : « ...comment comprendre l'originalité de la foi chrétienne dès lors qu'elle est précisément centrée sur l'incarnation du Fils de Dieu, par rapport à d'autres fois qui gravitent autour de la transcendance absolue de Dieu.... Autrement dit, la filiation de Jésus, comme nous la présente la foi chrétienne, n'est pas révélée pour marquer une séparation insurmontable entre Jésus et tous les autres : mais pour nous dire que, en lui, nous sommes tous appelés à être enfants de l'unique Père et frères entre nous. La singularité de Jésus est pour la communication non pour l'exclusion » (Cependant que le Christ a clairement dit : « Qui n'est pas avec moi est contre moi »!)
3 - « Que faut-il dire à nos frères juifs quant à la promesse que Dieu leur a faite : a-t-elle été entièrement un échec ?
« ...Ce que je peux vous dire, avec l'apôtre Paul, c'est que jamais la fidélité de Dieu à l'alliance étroite avec Israël n'a fléchi, et que, à travers les terribles épreuves de ces siècles, les juifs ont conservé leur foi en Dieu. Et de cela, nous ne leur serons jamais suffisamment reconnaissants, en tant qu'Eglise, mais également en tant qu'humanité. D'ailleurs, justement en persévérant dans la foi dans le Dieu de l'alliance, ils nous rappellent à tous, à nous aussi chrétiens, que comme pélerins, nous sommes toujours dans l'attente du retour du Seigneur et que, donc, nous devons toujours lui être ouverts et ne jamais rester figés dans ce que nous avons déjà atteint. ». (L'attente des chrétiens est-elle comme celle des juifs?)
4 - Attitude de l'Eglise envers celui qui ne partage pas la foi en Jésus.
« En admettant que - et c'est la chose fondamentale - la miséricorde de Dieu n'a pas de limites si l'on s'adresse à lui d'un cœur sincère et contrit, la question pour qui ne croit pas en Dieu réside dans l'obéissance à sa propre conscience. Le péché, même pour celui qui n'a pas la foi, c'est d'aller contre sa conscience. Ecouter et obéir à celle-ci, en effet, se décider face à ce qui est perçu comme bien ou comme mal. Et c'est sur cette décision que se joue la nature bonne ou mauvaise de nos actions » (Nous sommes ici au cœur de la dialectique morale du pape François ; elle surgit à chaque instant dans tous ses discours).
5 - La pensée qu'il n'existe aucun absolu et donc pas une vérité absolue, mais uniquement une série de vérités relatives et subjectives, est une erreur ou un péché ?
« Pour commencer, je ne parlerais pas, même pas pour celui qui croit, de vérité « absolue », en ce sens qu’absolu est ce qui est détaché, ce qui est privé de relation. Or, la vérité, selon la foi chrétienne, est l’amour de Dieu pour nous en Jésus-Christ. Donc, la vérité est une relation ! A tel point que même chacun de nous la saisit, la vérité, et l’exprime à partir de lui-même : de son histoire de sa culture, du contexte dans lequel il vit, etc. Ceci ne signifie pas que la vérité soit variable et subjective, bien au contraire. Mais cela signifie qu’elle se donne à nous, toujours et uniquement, comme un chemin et une vie. Jésus lui-même n’a-t-il pas dit : »Je suis la voie, la vérité et la vie » ? En d’autres termes, dès lors que la vérité ne fait, en définitive, qu’un avec l’amour, elle exige l’humilité et l’ouverture pour être cherchée, accueillie et exprimée. Donc, il faut bien s’entendre sur les termes et, peut-être, pour sortir des goulets d’étranglements d’une opposition…absolue, reformuler la question en profondeur. Je pense que cette approche s’impose aujourd’hui pour instaurer ce dialogue serein et constructif que je souhaitais au début de mon propos. » (Ce « raisonnement » me laisse sans voix !)
6 - La dernière question de Scalfari montre le degré et les limites intellectuels du journaliste !
« … dans la dernière question vous me demandez si, avec la disparition de l’homme sur la terre, la pensée capable de penser Dieu disparaîtra aussi.[…]Dieu est une réalité avec un « R » majuscule. Jésus nous le révèle – et vit la relation avec lui- comme d’un père d’une bonté et d’une miséricorde infinies. Donc, Dieu ne dépend pas de notre pensée. D’ailleurs si la vie de l’homme sur la terre devait finir – et pour la foi chrétienne, de toute façon, ce monde, tel que nous le connaissons, est destiné à disparaître- l’homme ne cessera pas d’exister et, d’une façon que nous ignorons, également l’univers créé avec lui. ». (Relation Père et Fils ? Trinité ?)
7 - La lettre se termine : « Accueillez-les (mes réflexions) comme une tentative de réponse provisoire, mais sincère et confiante, à l’invitation que je vous ai adressée de faire un bout de chemin ensemble. L’Eglise, croyez-moi malgré ses lenteurs, ses infidélités, les erreurs et le péchés qu’elle peut avoir commis et peut encore commettre en ceux qui la composent, n’a pas d’autre sens ni d’autre but que de vivre et de témoigner de Jésus :… »
Une tentative de réponse provisoire…par celui qui a reçu le pouvoir de confirmer ses frères dans la foi.
Nous sommes dans un monde de l’indétermination radicale.
Le pape et Scalfari sont très contents l’un de l’autre. La diffusion de la nouvelle religion suit son cours. Le pape est parfaitement à l’aise car son interlocuteur n’a pas la capacité intellectuelle suffisante pour lui répondre. Mais Scalfari n’est pas seulement un faire-valoir. Il connaît parfaitement la filiation Martini-Bergoglio et la parfaite concordance de leurs volontés et de leurs discours. Les échanges postérieurs d’octobre 2013, juillet 2014 et 25 octobre 2015, vont nous donner toutes les clés pour cerner l’intimité de ces trois personnages et en quoi consiste la réforme radicale mise en œuvre.
Jeanne Smits reprise par Belgicatho s’interrogeait le 3 novembre dernier : « Mais pourquoi le pape François s’obstine-t-il à téléphoner à Scalfari ?
Il faut répondre à la question, c’est une affaire d’importance !
Pour le problème décisif de la conscience, on peut se reporter au texte de Benoît XVI donné par Benoit et moi : http://benoit-et-moi.fr/2010-III
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