Le Terrorisme pastoral

Le Terrorisme pastoral

Eugenio Scalfari et le pape François - 3

« Eugenio Scalfari et le pape François – 3

 

Nous avons vu que la première demande de Eugenio Scalfari au pape François s'est terminée par une longue réponse de ce dernier dans laquelle nous découvrons les modes d'approche et de raisonnement du pape. Ces modes sont surprenants pour celui qui ne connaît pas son parcours argentin et ses relations avec la mafia de Saint Gall et plus spécialement l'influence de quarante ans du cardinal Martini.

 

Nous analysons aujourd'hui la rencontre du mardi 24 septembre 2013 à15 heures

 

Les circonstances en sont connues car Scalfari les a rapportées en détail dans sa relation de l'entretien.

Il a envoyé une lettre au pape lui demandant de faire sa connaissance. Le pape l’a appelé au téléphone et ils ont fixé un rendez-vous. La rencontre a lieu à Sainte Marthe dans une petite pièce sobrement meublée, une table et cinq ou six chaises.

 

L’ordre dans lequel les questions ont été posées n’est pas clair. Il faut dire que l’ensemble représente huit grandes pages.

 

Le plus urgent et le plus dramatique.

 

Scalfari, a accroché le lecteur en donnant d’entrée le jugement du pape sur les maux qui affligent le monde.

« Les maux les plus graves qui affligent le monde aujourd’hui sont le chômage des jeunes et la solitude dans laquelle sont abandonnés les vieillards ? Les personnes âgées ont besoin de soins et de compagnie ; les jeunes de travail et d’espérance, mais ils n’ont ni l’un ni l’autre et, hélas, ils ne les recherchent même plus. Ils sont écrasés par le présent. Dites-moi : peut-on vivre écrasé par le présent ? Sans mémoire du passé et sans désir de se projeter dans l’avenir en construisant un projet, un avenir, une famille ? Peut- on continuer ainsi ?  Voilà, selon moi, le problème le plus urgent auquel l’Eglise est confrontée. »

Comme Scalfari pense que c’est plutôt un problème politique qui concerne les Etats, les partis, les syndicats, le pape répond :

« Oui vous avez raison, mais ce problème concerne aussi l’Eglise, je dirai même surtout l’Eglise car cette situation ne blesse pas seulement les corps, mais aussi les âmes. L’Eglise doit se sentir responsables des âmes, comme des corps. »

 

L’Eglise est-elle consciente de ce problème ?

« Dans une large mesure, cette conscience existe mais ce n’est pas encore suffisant. Je désire qu’elle soit plus forte. Ce n’est pas le seul problème auquel nous soyons confrontés, mais c’est sûrement le plus urgent et le plus dramatique ».

 

Il ne faut pas être étonné de ce que le pape désigne comme « urgent et dramatique », les situations sociales et économiques. Il est le pape des pauvres et cela le révulse. Depuis plus de trois ans il a répété cela cent fois. Nous ne pouvons ne pas remarquer que jamais le pape ne rappelle que cet ordre social de justice et de prospérité ne peut naître que du respect absolu de la loi divine et naturelle. « Cherchez le royaume de Dieu et sa justice, le reste vous sera donné par surcroît ».

 

 

La Curie

 

On a découvert au fil des mois du nouveau pontificat l’aversion du pape contre la Curie.

 

« Je n’aime pas – disait le pape- (à Scalfari)  le mot le mot narcissisme, qui indique un amour sans bornes de soi-même…Le vrai problème c’est que ceux qui en sont touchés par cette affection, qui est en quelque sorte un trouble mental, sont généralement les personnes qui détiennent le plus de pouvoir. Les dirigeants sont bien souvent des Narcisses »

 

Scalfari s’engouffre dans la brèche. « Maints dirigeants au sein de l’Eglise l’ont été eux aussi. »

 

« Vous savez ce que j’en pense ? Les dirigeants de l’Eglise ont été souvent des narcisses en proie aux flatteries et aux coups d’aiguillon de leurs propres courtisans. L’esprit de cour est la lèpre de la papauté ».

 

Salfari insiste : «  La lèpre de la papauté, c’est bien l’expression utilisée par vous. Mais quelle est cette cour ? Faites-vous allusion à la Curie ?

 

« Non, il peut y avoir des courtisans dans la Curie, mais la Curie dans son ensemble, ce n’est pas cela. Elle correspond à ce qu’on a coutume d’appeler l’intendance dans une armée. En tant que telle, elle gère les services dont le Saint-Siège a besoin, mais elle a un défaut : elle est « vaticano-centrée ». Elle voit et suit les intérêts du Vatican, qui sont encore en majorité des intérêts temporels. Cette vision axée sur le Vatican néglige le monde qui l’entoure. Je ne partage pas cette vision et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour la modifier. L’Eglise est ou doit redevenir une communauté du peuple de Dieu et les religieux, les curés, les évêques ayant charge d’âmes sont au service du peuple de Dieu. L’Eglise c’est cela. Il ne faut pas confondre l’appellation avec celle du Saint-Siège, dont la fonction est importante, certes, mais qui est au service de l’Eglise ».

 

Plus loin le pape ajoute à cette charge : « Très souvent l’Eglise en tant qu’institution a été dominée par l’attachement au pouvoir temporel et de nombreux représentants et hautes personnalités catholiques voient encore les choses ainsi ».

 

Le 22 décembre 2014 le pape, après avoir remercié « cordialement » les cardinaux « pour leur engagement quotidien au service du Saint-Siège », va les accabler de remontrances sur un ton d’une violence absolument inouïe. Ils les accusent publiquement de maladies honteuses qui figurent des tares spirituelles et comportementales allant jusqu’à les opposer aux fonctionnaires de rang inférieurs qui eux « travaillent sans s’exhiber ». Pour ceux qui connaissaient ses méthodes de gouvernement en Argentine et sa radicale volonté de supprimer le Curie. Il n’y avait rien là de surprenant.

Il s’agit en fait d’un comportement totalitaire effrayant qui vise tous les cardinaux, dans un  réquisitoire sans nuances et  en présence du monde entier. Pas vraiment de quoi inspirer la confiance des fidèles mais d’asseoir sa volonté et de justifier SA réforme. La Curie devient une espèce de politburo qui attend les purges à venir. Le mot de la fin qui se veut humoristique est peut-être le pire car il laisse entendre que tous ne sont pas atteints et que certains vont survivre : «  Les prêtres sont comme les avions. Ils font la ‘une’ quand ils tombent qu’il y en a  tant qui volent !»

« Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour la modifier ». Le premier confident est un journaliste athée qui aspire à cette réforme qu’il a faite sienne grâce au cardinal Martini.

 

 

 

La conscience

 

Les deux interlocuteurs se mettent en garde en souriant contre le risque d’être converti par l’autre.

 

Le pape répond :

« Le prosélytisme est une pompeuse absurdité, cela n’a aucun sens. Il faut savoir se connaître, s’écouter les uns les autres et faire grandir la connaissance du monde qui nous entoure. Il m’arrive qu’après une rencontre j’ai envie d’en avoir une autre car de nouvelles idées ont vu le jour et de nouveaux besoins s’imposent. C’est cela qui est important : se connaître, s’écouter, élargir le cercle des pensées. Le monde est parcouru de routes qui se rapprochent et qui s’éloignent, mais l’important c’est qu’elles conduisent vers le Bien. »

 

Votre Sainteté, existe-t-il une vision unique du Bien ? Et qui décide ?

 

«  Tout être humain possède sa propre vision du Bien, mais aussi du Mal ? Notre tâche est de l’inciter à suivre la voie tracée par ce qu’il estime être le Bien ».

 

Votre Sainteté, vous-même l’aviez écrit dans une lettre que vous m’avez adressée. La conscience est autonome, disiez-vous et chacun doit obéir à sa conscience. A mon avis, c’est l’une des paroles les plus courageuses qu’un pape ait prononcée.

 

« Et je suis prêt à la répéter. Chacun a sa propre conception du Bien et du Mal et chacun doit suivre le Bien et combattre le Mal selon l’idée qu’il s’en fait ? Il suffirait de cela pour vivre dans un monde meilleur ».

 

Chaque jour qui passe voit se confirmer ce primat de la conscience répété à une luthérienne pour justifier à la fois son refus de juger… et rendre caduque l’enseignement millénaire de l’Eglise. Heureusement, le cardinal SARA veille !

 

 

Présence du cardinal Martini dans cet entretien.

 

Nous revenons sur cette question car elle est décisive pour la compréhension de ce qui se déroule sous nos yeux après deux ans et neuf mois de pontificat.

Comme nous l’avons prouvé c’est le programme de la mafia de Saint Gall qui est mis en œuvre. Un des auteurs principaux est le cardinal Martini.

 

Le commentateur du Figaro, J.M. Guénois, qui passe pour un des mieux informés, a, comme ses confrères, volontairement écarté la véracité de l’entretien que nous venons de présenter. Mieux encore il a effacé et  d’un revers de plume la réalité.

« Les formules chocs et sans nuance du Pape François le faisaient apparaître comme un véritable « progressiste », sur la ligne de « l’esprit » du Concile Vatican II, donc en rupture totale avec le pontificat de Benoît XVI. Autrement dit, en digne héritier de celui qui fut  l’adversaire du pape allemand, le cardinal Martini aujourd’hui décédé, un proche de Scalfari pourtant laïque revendiqué. On retrouvait d’ailleurs des formules « martiniennes » caractéristiques dans l’interview mais qui n’avaient encore jamais été prononcées par le pape François ». 

 

Guénois avait tout pour comprendre et il est passé à côté de la vérité qui était dans le texte qu’il récuse. Car il n’y a pas seulement des formules !

 

Scalfari demande au pape quels sont les saints qu’il préfère. Le pape répond Augustin et François.

Scalfari insiste «Pas Ignace, qui est le fondateur de l’Ordre auquel vous appartenez ?

Le pape répond : « Ignace, pour des raisons évidentes, est celui que je connais le mieux. Il a fondé notre ordre. Je vous rappelle que Carlo Maria Martini, que vous et moi apprécions beaucoup, en provenait lui aussi ».

 

Mais ce n’est pas tout !  Guénois a-t-il lu le texte ? Curieuse omission, franchement volontaire et mystérieuse, s’il a lu le texte en entier. Voici le passage complet qui ridiculise définitivement Guénois comme informateur religieux.

 

« SC : Je pense que l’amour pour le pouvoir temporel est encore plus fort entre les murs du Vatican et dans la structure institutionnelle de toute l’Eglise. Je pense que l’Institution prédomine sur l’Eglise pauvre et missionnaire que vous appelez de vos vœux.

 

Pape François : « Effectivement, il en est ainsi et, dans ce domaine il n’y a pas de miracle Je vous rappelle que François lui-même, à son époque, dû négocier longuement avec la hiérarchie romaine et avec le Pape pour faire reconnaître la règle de son Ordre. Finalement, il obtint gain de cause au prix de vastes compromis. »

 

SC : «  Devrez-vous suivre la même voie ?

 

Pape François : « Je ne suis pas François d’Assise et je n’ai ni sa force ni sa sainteté. Mais je suis l’évêque de Rome et le Pape du monde catholique. J’ai décidé comme première chose de nommer un groupe de huit cardinaux pour former mon conseil. Pas de courtisans, mais des personnalités sages et animées des mêmes sentiments que les miens. C’est l’amorce d’une Eglise qui ne fonctionne pas seulement selon une hiérarchie verticale, mais aussi horizontalement. Quand le cardinal Martini en parlait en mettant l’accent sur les Conciles et les Synodes, il savait pertinemment combien ce chemin était long et difficile à parcourir. Avec prudence, mais fermeté et ténacité. »

 

Les deux personnages sont parfaitement en phase et Scalfari va aller jusqu’au bout de sa pensée qu’il sait être celle du pape :

« Mais a bien vous écouter  et pour autant que je puisse comprendre, vous êtes et vous serez un Pape révolutionnaire ».

 

« Si l’Eglise devient un jour ainsi qu’il la conçoit et qu’il la souhaite, une époque sera décidément révolue ».

 

Le jour où les informateurs religieux  (je ne parle pas seulement du Figaro) voudront bien informer véritablement leurs lecteurs on peut espérer le relèvement culturel des catholiques. Ce n’est pas en leur racontant des histoires à l’eau de rose qu’ils seront armés pour les combats à venir !

 

A suivre …4ème partie

 

 

 

 



03/12/2015
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