Le Terrorisme pastoral

Le Terrorisme pastoral

Le Pape est-il théologien de la libération ?

 

 

Cet article de La Vie-Le Monde nous a été envoyé par un ami toujours très avisé, sans lequel nous n'aurions jamais commencé l'étude sur « Le pape qui vient de loin ».

Nous ajoutons quelques commentaires en italique pour en souligner les erreurs et l'information indigente qui ne cite que les lieux communs de la presse catholique aux ordres !

 

Le pape François est-il un théologien de la libération ?

 

La Vie - HENRIK LINDELL 
CRÉÉ LE 26/03/2013 / MODIFIÉ LE 26/03/2013 À 17H52

 

Attentif aux pauvres, critique à l’égard du néolibéralisme, le pape François ressemble à un « théologien de la libération ». En réalité, il s’est opposé à ce mouvement que l’Institution catholique accusa longtemps d’inspiration marxiste et qui a tant influencé l’Eglise en Amérique latine.

« l'Institution catholique » : entendez l'Eglise hiérarchique. Les documents de la Congrégation de la Foi sont signés par le pape. L'Eglise n'a pas « accusé », elle a montré et expliqué les erreurs contenues chez les théologiens de la libération.

 

L’élection du pape François a provoqué un débat qui dépasse largement son cas personnel. Dans certains médias, on s’interroge sur le comportement de l’ancien cardinal de Buenos Aires durant les années de la dictature militaire en Argentine (1976-1983). Celui qui était alors le Provincial des jésuites de son pays est accusé par certains de ne pas avoir défendu deux de ses frères emprisonnés et torturés par le régime. Cette information a été démentie par le premier intéressé et par d’autres témoins. Mais, il est certain que BERGOGLIO n’était pas connu ni comme un allié de la dictature, ni comme un franc opposant, contrairement à bien de ses compatriotes, dont des prêtres et des religieux, notamment jésuites. Le problème renvoie à la fois à l’histoire contemporaine de l’Argentine mais aussi à un clivage structurant qui marque profondément l’Eglise catholique en Amérique latine : celui qui s’est créé autour de « la théologie de la libération ».

Les accusations mensongères contre l'ancien provincial de jésuites ont été principalement montées par un ancien agent du pouvoir militaire infiltré à l'époque de la guerre civile chez les terroristes du mouvement « montoneros ». Il est le seul rescapé de son groupe d'une soixantaine de membres que l'on soupçonne officiellement d'avoir dénoncé à la répression. D'où son surnom de «  Horacio la chance ». Les accusations de Horacio Verbisky, aujourd'hui conseiller de la présidente Kirchner ont été relayées en France notamment par GOLIAS. Nous avons donné en son temps tous les détails de cette affaire sur notre blog.

 

Ce mouvement a pour traits caractéristiques l’engagement radical auprès des pauvres et le rejet du capitalisme. Ses représentants étaient aussi connus pour leur engagement politique. Parce qu’il se méfiait de la politique et qu’il ne prit guère part dans les luttes sociales de l’époque, le pape François n’est généralement pas considéré comme un théologien de la libération. Même si l’ancien cardinal cultive, lui aussi, le souci des pauvres et même s’il est connu pour critiquer le néolibéralisme.

La théologie de la libération expliquée aux lecteurs incultes !

La théologie de la libération est née en Europe. Les latinos-américains en ont reçu les principes en France, en Belgique, en, Allemagne, en Suisse et en Espagne dès avant le Concile Vatican II, pendant et après. Cette « théologie » n'est pas un engagement auprès des pauvres ni un rejet du capitalisme. Elle est un discours radical pour changer l'Eglise et les pouvoirs politiques. Elle n'est pas un discours sur Dieu mais un discours sociologique « classiste » qui a comme outil le matérialisme historique et dialectique. Comme aujourd'hui la révolution socialiste, modèle cubain, s'est effondrée la « théologie de la libération » s'est recyclée dans l'écologie (voir les œuvres récentes de Léonardo Boff). L'archevêque de Buenos Aires puis le Pape François s'est toujours engagé dans la défense des théologiens de la libération, les prêtres pour le tiers monde (financé par le CCFD) ou la forme plus subtile de la théologie de la libération, façon argentine : « la théologie du peuple ».  

 

Pour y voir plus clair, rappelons ce que fut cette « théologie ». Citons un de ses grands théoriciens, le théologien systématique Leonardo Boff, dans son ouvrage De la libération (1979), qui résume le phénomène ainsi : « La théologie de la libération cherche à articuler une lecture de la réalité à partir des pauvres et en vue de la libération des pauvres ; elle utilise en fonction de cela les sciences de l’homme et de la société, elle médite théologiquement et postule des actions pastorales qui facilitent la marche des opprimés. » Dans ces locutions se trouvent rassemblées les principaux éléments de cette « théologie » que l’on dit souvent contextuelle et prophétique : elle se fait à partir des pauvres et elle utilise les sciences humaines, toujours dans l’objectif de libérer les personnes de l’oppression économique et politique.

Cette théologie est dite « contextuelle » car elle prétend se fonder sur le sens de l'histoire qui conduit les peuples ; et « prophétique » car elle est annoncée par des prêtres qui sont d'une certaine façon hors de « l'Institution » comme les prophètes de l'Ancien Testament qui rappelaient au peuple juif sa destinée ! En terme politique ils sont l'avant-garde de la révolution dans l'Eglise et la société.

 

Il faut comprendre ce que ces principes représentèrent il y a 50 ans, en Amérique latine, où l’Eglise était souvent associée au pouvoir dans des sociétés où régnait une injustice économique et politique dont on peine à imaginer la dureté aujourd’hui. L’expression « théologie de la libération » a été forgée par Gustavo Gutiérrez, prêtre péruvien, dans un livre du même nom, publié en 1971. Le terme se réfère à la situation sociale. Il s’agit d’un « corrélat de la ‘dépendance’ », un terme qu’on utilisait dès les années 60 en économie internationale.

Non cela est faux ! Elle ne se réfère pas à la situation sociale, mais à la libération de toutes les aliénations, sociales, économiques, politiques, religieuses, culturelles. Elle se situe dans le cadre des luttes de libération menées par les soviétiques. Les héros sont Fidel Castro, Camillo Torres, et Che Guevarra . La « dependencia » désigne la main mise réelle des Etats-Unis et de l'Europe sur les richesses du tiers-monde.

 

Pour l’Eglise dans son ensemble, le moment le plus important était la Conférence de l’épiscopat latino-américain à Medellin en 1968, où l’on utilisa allègrement le terme libération. Selon Leonardo Boff, cette époque était marquée par « une indignation éthique devant la pauvreté et la marginalisation de grandes masses ». D’où la nécessité d’une théologie vécue et écrite « de l’envers de l‘histoire », d’après l’expression de Gustavo Gutiérrez. De très nombreux religieux, des prêtres, prirent fait et cause pour les classes paupérisées, n’hésitant pas à joindre des mouvements sociaux et politiques. Ils mirent en place la création des communautés ecclésiales de base, organisèrent des systèmes d’éducation populaires.

La Conférence de Medellin comme celles de Puebla et d'Aparecida a été préparée par tous les groupes radicaux libérationnistes d'Amérique Latine, largement infiltrés dans les instances du CELAM. Le texte des conclusions dépassent les cinq cents articles. Et la machine de propagande libérationniste va réduire ces Conférences à une dizaine de slogans qui vont mettre le feu au continent. Le thème qui court encore : Une Eglise pauvre, l'Eglise des pauvres !

Les communautés de bases sont les groupes de chrétiens instrumentalisés pour faire exploser les paroisses et les diocèses. L'un des appuis le plus célèbres des Communautés Ecclésiales de Base a été l'archevêque de Sao Paulo, le cardinal Arns, ami personnel de Fidel Castro.

Quant à l'éducation il s'agit d'éducation-alphabétisation révolutionnaire selon la méthode de Paulo Freire.

 

Maints leaders populaires issus de conditions modestes, comme l’ancien président Lula au Brésil, ont été formés par les théologiens de la libération. Au Brésil, au Chili, au Pérou, en Amérique centrale, mais aussi en Argentine, ces chrétiens de la libération rejoignirent aussi les mouvements de la résistance contre les juntes militaires au pouvoir dans les années 70 et 80. Plusieurs évêques devinrent des héros populaires. Ainsi Dom Helder Camara (1909-1999), l’archevêque d’Olinda et de Recife au Brésil qui résuma d’une seule phrase l’enjeu : « Je nourris un pauvre et l’on me dit que je suis un saint. Je demande pourquoi le pauvre n’a pas de quoi se nourrir et l’on me traite de communiste. » Autre figure populaire, le salvadorien Oscar Romero, né en 1917, assassiné en pleine messe le 24 mars 1980 pour avoir dénoncé la répression de l’armée et l’oligarchie au pouvoir.

Dom Elder Camarra est sans conteste la figure légendaire de cette « théologie ». Il en a été l'agent principal dès 1961 avec Ivan Illich et le chanoine marxiste de Louvain François Houtart et quelques Français. Il est à l'origine du pacte des Catacombes en 1964, et du Message des évêques du tiers-monde en 1967, message qui fut un brulôt pour l'Argentine.

Pour ce qui concerne, Mgr Oscar Romero voir notre récent article. Il figure parmi les  90 martyrs de l'église des pauvres. On n'a jamais su qui l'avait assassiné. Ses plus violents adversaires qui avaient pris le contrôle de son archevêché étaient les jésuites de la UCA de San Salvador.

 

Quand on cherche à découvrir la « théologie » particulière dont il est question ici, on risque d’être déçu. Car il n’y a pas forcément de théologie particulière. Plus précisément, les théoriciens comme Gutiérrez et Boff présupposent une expérience de foi contextualisée (sur la révélation et le salut chrétiens) et aussi une option politique, qui est systématiquement celle de la préférence pour les pauvres. Cette position est défendue officiellement par les évêques catholiques latino-américains à partir de 1979 (lors de leur conférence à Puebla) et on considère qu’elle fait partie de la doctrine sociale de l’Eglise catholique. Pour fonctionner, la théologie de la libération utilise une « médiation socio-analytique », en l’occurrence les sciences sociales. Elle exige aussi une utilisation de la « médiation herméneutique ». C’est-à-dire, elle interprète l’Ecriture à partir d’une situation politique et sociale déterminée, jamais abstraite. Elle exige enfin une « médiation pastorale » conséquente, une action. Concrètement, cela revient à mettre en œuvre le célèbre triptyque « voir, juger, agir ». 

Face à cet engagement social débordant, l’Institution n’est pas restée les bras croisés. Si elle approuve les fondements bibliques de la proximité avec les pauvres, elle reste critique à l’égard des méthodes. En 1984, la Congrégation pour la doctrine de la foi, présidée par un certain cardinal Ratzinger, accuse la théologie de la libération d’introduire, sans recul critique, l’analyse marxiste à l’intérieur du discours théologique. « Cet emprunt à l’idéologie totalisante du marxisme a pour conséquence une perversion de la foi chrétienne », explique Mgr Ratzinger, en faisant référence à la politisation radicale des affirmations de la foi (Jésus aurait été un leader révolutionnaire) et aux jugements théologiques, notamment la théorisation de l’Eglise du peuple de Dieu comme Eglise de classe.

 Pour ce qui concerne « l'Eglise du Peuple de Dieu » on peut retenir la formule du Père Ratzinger au Concile : « c'est une catégorie douteuse ». Il faut également reire les deux instructions de 1984 et celle de 1986.

 

Néanmoins, cette sévère instruction vaticane reconnaît l’aspiration des peuples à la libération. Gutiérrez rejette totalement la critique : « Dans l’étude de la réalité sociale on fait usage, certes, des sciences sociales, mais pas de ce que l’on appelle ‘l’analyse marxiste’ ». Leonardo Boff est plus nuancé : « En tout et pour tout le marxisme a toujours été utilisé comme une médiation au service de quelque chose de plus grand : la foi avec ses exigences historiques ; il a servi à éclairer et à enrichir certains notions significatives de la théologie. » Mais sur cette question précise, personne ne semble d’accord avec personne. Ainsi, Michael Löwy, sociologue qui se dit « lié à la tradition marxiste » et auteur d’un des meilleurs livres jamais écrits sur le sujet (La Guerre des dieux. Religion et politique en Amérique latine, Editions du Félin, 1998), explique : « Les théologiens de la libération (…) ne se limitent pas à utiliser les sources marxistes existantes. Ils vont aussi innover et reformuler, à la lumière de leur culture religieuse, mais aussi de leur expérience sociale, certains thèmes fondamentaux du marxisme. Dans ce sens, on peut les considérer comme des "néo-marxistes"(…) ».

M Löwy est un thuriféraire sectaire. L'auteur de l'article de La VIE ne connaît pas les critiques marxistes de la TdL. Elles se moquent de ces chrétiens et de leur « grossier marxisme ». Cinq mois avant la chute des soviétiques Leonardo Boff fit un voyage en URSS et en donna un compte rendu dithyrambique dans un journal de Sao Paulo. Sa violence s'exerça aussi contre son frère Clodovis qui après avoir milité dans la TdL revint à l'Eglise catholique. Il l'accusa publiquement de trahison.(Nous avons raconté cela dans « Terrorisme Pastoral (pages 115 à 118).

 Aujourd'hui Léonardo Boff cherche la dialectique dans l'histoire de la planète !

 

Une autre instruction vaticane a été publiée en mars 1986 sur le thème « Liberté chrétienne et libération ». Assez curieusement, cette instruction est très positive pour la théologie de la libération. En avril 1986, Jean Paul II dira même dans une lettre adressée à l’épiscopat brésilien, que « la théologie de la libération est non seulement opportune, mais utile et nécessaire » !

Ceci est une ignominie colportée par toute la classe progressiste. Nous avons réfuté cette accusation dans notre livre Terrorisme Pastoral  (pages 82 à 88).

 

Il n’empêche, le Vatican a condamné et rétrogradé plusieurs théologiens de la libération. Généralement pour leur engagement politique. Ainsi les prêtres Ernesto et Fernando Cardenal et le missionnaire Miguel d’Escoto, tous les trois ministres dans les premiers gouvernements sandinistes au Nicaragua après la révolution socialiste en 1979. Le pape Jean-Paul II, lors de sa visite au Nicaragua en 1983, apporta son soutien aux évêques « conservateurs » et exigea que les prêtres ministres se démettent de leurs fonctions. Ce qu’ils refusèrent. Ils furent suspendus.

La violence contre le Pape à Managua pendant la messe fut telle qu'il n'y eu pas de distribution de la communion.Fait unique dans un voyage papal ! On distribuait des images souvenirs sur lesquelles on pouvait lire : Gracias a dios y a la revolucion. Les trois prêtres ont été sanctionnés pour avoir assumé des fonctions ministérielles incompatibles avec leur état sacerdotal.

 

Autre « condamné » spectaculaire : Leonardo Boff, qui a été invité par Mgr Ratzinger en 1985 à « faire silence » pour son livre Eglise : Charisme et Pouvoir. Le théologien a quitté l’ordre franciscain en 1992 auquel il appartenait, avant de se marier. Un des derniers « crossés » est le théologien Jon Sobrino, accusé par la Congrégation pour la doctrine de la foi en 2007 de « divergences notoires avec la Foi de l’Eglise », notamment sur la divinité de Jésus-Christ et la relation entre Jésus-Christ et le royaume de Dieu. Sobrino a été interdit d’enseignement.

 

Lorsque Jon Sobrino eut à répondre à la Congrégation de la foi on ne peut pas dire qu'il fit preuve d'esprit de dialogue !

Voici ce qu'il écrivit  au père Kolvenbach, général des jésuites :

«  J'arrête ici le commentaire des accusations de Ratzinger. Je ne reconnais pas ma théologie dans cette lecture des textes. Je crois que le cardinal Ratzinger, en 1984, n'a pas compris exactement la théologie de la libération... Je crois personnellement que, jusqu'à  aujourd'hui, il lui est difficile de la comprendre. A mon avis, il y a là (à la Congrégation de la foi), une bonne mesure d'ignorance, de préjugés et une obsession pour en finir avec la théologie de la libération. Sincèrement il n'est pas facile de dialoguer avec ce type de mentalité ». (Voir sur cette affaire Terrorisme Pastoral pages 113 à 115)

 

Dans ce contexte-là, le nouveau pape est-il un théologien de la libération ? Selon le jésuite américain Thomas Reese, qui le connaît bien, estime qu’il a « des réserves sérieuses à l’égard de la théologie de la libération ». A en croire l’Argentin Nicolás Panotto, membre de la Fraternité Théologique Latino-américaine à Buenos Aires, « on sait qu’il invite ses étudiants à rendre visite et à travailler dans les centres populaires. (…) Cela n’est naturellement pas la garantie d’une conscience critique au niveau social ou politique. BERGOGLIO est jésuite, mais d’une école conservatrice et traditionnelle dont la vision sociale est très assistancialiste. » Ce dernier point risque de sembler rédhibitoire. « La position de Jorge Mario BERGOGLIO est celle, traditionnelle, de l'Eglise : les pauvres sont considérés comme un objet d'attention, de compassion et de charité » (…) « mais pas comme des acteurs », insiste Michael Löwy.

 

Pourquoi Thomas Reese ne parle-t-il pas de la théologie du peuple  qui est la référence théologique du Pape ? Le journaliste de La Vie Le Monde ne sait pas non plus de quoi il retourne !!!

 

Néanmoins, comme tant d’autres prélats latino-américains, le cardinal BERGOGLIO est certainement influencé par la critique sociale utilisée par les théologiens de la libération. En 2011, dans une homélie, il a dénoncé les conditions des travailleurs sans-abris à Buenos Aires. Selon lui, ils sont les victimes d’un « esclavage structurel » contre lequel il faudrait se battre.

Pas seulement en 2011, mais constamment ! Il a toujours été un soutien de la TdL et n'a jamais écrit ou parlé contre elle à notre connaissance. Les « périphéries » appartiennent à Léonardo Boff ,c'est même le titre d'un de ses livre : La fe en la periferia del mundo (1985)

 

 

 

 



24/03/2015
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