Le pape et la peine de mort -4 La parole est à Saint Thomas
Le pape et la peine de mort – 4 . La parole est à Saint Thomas
La violence avec laquelle le Pape François s'adresse à son auditoire dépasse largement le sujet de la peine de mort. Sa conclusion est terrible. Après avoir déclaré qu'il ne s'agit pas d'un changement de doctrine : « On ne peut garder la doctrine sans la faire avancer. On ne peut davantage l'enfermer dans une lecture rigide et immuable, si ce n'est en méprisant l'action de l'Esprit Saint ».
En clair cela veut dire : « Silence dans les rangs « !
Réformer le catéchisme tel est la volonté du pape.
Il ne formule aucune argumentation mais il profère des slogans :
« peine qui pèse lourdement la dignité humaine »
« mesure inhumaine qui blesse la dignité humaine »
la peine de mort « est par elle-même contraire à l’Evangile »
« Il faut donc répéter que, quelque puisse être la gravité de la faute commise, la peine de mort est inadmissible car elle attente à l’inviolabilité et à la dignité de la personne ».
Les siècles qui l’ont appliquée ne permettaient pas aux coupables de se défendre et n’avaient pas la maturité sociale.
Les Etats Pontificaux avaient une mentalité « plus légaliste que chrétienne », à quoi s’ajoutait « le désir de garder entiers les pouvoirs et les biens matériels »
Aujourd’hui, « Le développement harmonieux de la doctrine demande cependant d’abandonner des prise de position liées à des arguments qui apparaissent désormais réellement contraires à une nouvelle compréhension de la vérité. »
Ce battage est pour le moins troublant et donne à penser que en deux mille ans de christianisme il n’y a eu aucune réflexion sur un sujet aussi important.
Quels sont ces arguments qui apparaissent désormais contraires à une nouvelle compréhension de la vérité ? NOUS NE LE SAURONS PAS !
C’est un genre de simplification pontificale que nous avons vu se développer avec le Luthérianisme. Quant au regard qui balaie les siècles passés nous avons à faire à une simplification idéologique qui est propre à l’historicisme ambiant. Nous sommes passés de l’ombre à la lumière, c’était la grande histoire de Jules Michelet et de l’école historique des Lumières et de Marx et de tous ceux qui leur ont succédé.
L’argumentation thomiste.
C’est celle qui a prévalu jusqu’à ce jour même si on a cherché à la battre en brèche. La réponse figure dans la IIa IIae, question 64 article 2 et 3
Article II .
Conclusion:
Nous venons de le dire: il est permis de tuer des animaux parce qu'ils sont ordonnés par la nature à l'usage de l'homme, comme ce qui est moins parfait est ordonné au parfait. Or cette subordination existe entre la partie et le tout, et donc toute partie, par nature, existe en vue du tout. Voilà pourquoi, s'il est utile à la santé du corps humain tout entier de couper un membre parce qu'il est infecté et corromprait les autres, une telle amputation est louable et salutaire. Mais tout individu est avec la société dont il est membre dans le même rapport qu'une partie avec le tout. Si donc quelque individu devient un péril pour la société et que son péché risque de la détruire, il est louable et salutaire de le mettre à mort pour préserver le bien commun? car « un peu de ferment corrompt toute la pâte » (1 Co 5, 6).
Solutions:
- Le Seigneur, en défendant d'arracher l'ivraie, avait en vue la conservation du blé, c'est-à-dire des bons. Ceci s'applique lorsqu'on ne peut faire périr les méchants sans tuer en même temps les bons? soit parce qu'on ne peut les discerner les uns des autres, soit parce que les méchants ayant de nombreux partisans, leur mise à mort serait dangereuse pour les bons. Aussi le Seigneur préfère- t- il laisser vivre les méchants et réserver la vengeance jusqu'au jugement dernier, plutôt que de s'exposer à faire périr les bons en même temps.
Toutefois, si la mise à mort des méchants n'entraîne aucun danger pour les bons, mais assure au contraire leur protection et leur salut, il est licite de mettre à mort les méchants.
- Selon l'ordre de sa sagesse, Dieu tantôt supprime immédiatement les pécheurs afin de délivrer les bons? tantôt leur accorde le temps de se repentir, ce qu'il prévoit également pour le bien de ses élus. La justice humaine fait de même, selon son pouvoir. Elle met à mort ceux qui sont dangereux pour les autres, mais elle épargne, dans l'espoir de leur repentance, ceux qui pèchent gravement sans nuire aux autres.
- Par le péché l'homme s'écarte de l'ordre prescrit par la raison? c'est pourquoi il déchoit de la dignité humaine qui consiste à naître libre et à exister pour soi? il tombe ainsi dans la servitude qui est celle des bêtes, de telle sorte que l'on peut disposer de lui selon qu'il est utile aux autres, selon le Psaume(49, 21): « L'homme, dans son orgueil ne l'a pas compris? il est descendu au rang des bêtes? il leur est devenu semblable », et ailleurs (Pr 11, 29): « L'insensé sera l'esclave du sage. » Voilà pourquoi, s'il est mauvais en soi de tuer un homme qui garde sa dignité, ce peut être un bien que de mettre à mort un
pécheur, absolument comme on abat une bête? on peut même dire avec Aristote qu'un homme mauvais est pire qu'une bête et plus nuisible.
ARTICLE 3: Est- il permis à un particulier, ou seulement à l'autorité publique, de tuer le
pécheur?
Objections:
- Il semble qu'il soit permis à un particulier de tuer un pécheur. En effet, la loi divine ne saurait prescrire rien de mal. Or Moïse a prescrit (Ex 32, 27): « Que chacun tue son frère, chacun son ami, chacun son parent », pour avoir commis le crime d'adorer le veau d'or. Donc, même des personnes privées peuvent licitement tuer un pécheur.
- Puisque, on vient de le voir, le péché rend l'homme comparable aux bêtes, et que tout homme peut tuer une bête sauvage, surtout nuisible, il est permis, au même titre, de tuer un pécheur.
- Tout homme, même un individu privé, agit louablement en servant le bien commun. Or la mise à mort des malfaiteurs est utile au bien commun, on vient de le voir.
Cependant, S. Augustin parle ainsi « Celui qui sans mandat officiel tuera un malfaiteur sera homicide, et d'autant plus qu'il n'a pas craint de s'arroger un droit que Dieu ne lui avait pas donné. »
Conclusion:
Nous venons de dire que la mise à mort d'un malfaiteur est permise en tant qu'elle est ordonnée à la sauvegarde de la société. C'est pourquoi elle appartient à celui là
seul qui pourvoit au bien commun de la société, de même que l'ablation d'un membre corrompu revient au médecin auquel on a confié la santé du corps tout entier. Or le soin du bien commun est confié aux princes qui détiennent l'autorité publique. C'est donc à eux seuls et non aux particuliers qu'il revient de mettre à mort les malfaiteurs.
Solutions:
- Denys remarque que le véritable responsable d'une action est l'autorité qui l'ordonne? aussi, comme S. Augustin l'écrit: « Celui qui tue, ce n'est pas celui qui doit son service à celui qui commande, comme le glaive à celui qui s'en sert. » C'est ainsi qu'il faut juger le cas de ceux qui tuèrent leurs parents et leurs amis sur l'ordre de Dieu? le véritable auteur de ces meurtres était l'autorité qui le leur avait ordonné? il en est de même du soldat qui tue un ennemi sur l'ordre du prince, et du bourreau qui exécute un bandit d'après la sentence du juge.
- Il y a une différence de nature entre la bête et l'homme. Aussi n'y a t il
pas besoin d'un jugement pour tuer la bête, si elle est sauvage. Mais si c'est une bête domestique, un jugement sera requis, non pour elle, mais pour le dommage subi par son maître. Mais l'homme pécheur n'est pas d'une autre nature que les justes. C'est pourquoi il faudra un jugement public pour décider s'il doit être mis à mort pour le salut de la société.
Faire quelque chose pour l'utilité commune sans nuire à personne est permis à toute personne privée. Mais si cela doit nuire à autrui, cela ne peut se faire qu'au jugement de celui qui peut apprécier ce que l'on peut enlever aux parties pour le salut de tous.
Nous ne voyons aucun inconvénient à ce que le pape ou ceux qu’il aura mandaté pour cela contestent l’argumentation thomiste. Que l’on nous dise en quoi ces arguments sont « désormais réellement contraire à une nouvelle compréhension de la vérité ».
Nous sommes ouverts à tout débat loyal sans oukase préalable ! Que le pape fasse fi de la doctrine de Saint Thomas cela n’est pas pour nous surprendre !
Suite de l’article 64 de la Somme théologique
Nous entrons là dans une configuration de la plus haute importance compte tenu des acteurs.
Aux premiers jours de l’existence de l’Eglise se produit l’affaire Anani.
Ce dernier avec la complicité de sa femme, Saphire, vend un bien dont la somme devait être remise aux Apôtres. En fait, ils gardent une partie de la somme pour eux contrairement à l’engagement pris. Ils étaient parfaitement libres de vendre ou de ne pas vendre ce champ.
Saint Pierre dévoile le stratagème et déclare : « Anani, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur pour te faire mentir à l’Esprit Saint et retenir sur le prix du champ ?... Ce n’est point aux hommes que tu as menti, mais à Dieu. En entendant ces paroles, Anani tomba et expira, et tous ceux qui apprirent (la chose), furent pris d’une grande crainte.
Environ trois heures après, Saphire arrive. Saint Pierre l’interroge. Elle confirme le vol. Alors Pierre lui dit : « Pourquoi vous êtes-vous accordés pour tenter l’esprit du Seigneur ? » Ceux qui ont enterré Anani reviennent. Saint Pierre dit « ceux qui ont enterré votre mari sont à la porte, et ils vont vous emporter. Au même instant elle tomba à ses pieds et elle expira. »
Il s’agit bien d’une condamnation à mort.
Bossuet dans une page magnifique sur les faiblesses et les grandeurs de Saint Pierre lui attribue le pouvoir de condamner. « Ce fut lui qui fit un exemple d’Ananias et de Saphira : ce fut le premier coup de foudre qui inspira au fidèle une salutaire terreur, et qui affermit l’autorité du gouvernement apostolique, partit de sa bouche » (Méditations sur l’Evangile, LXXème jour).
Saint Thomas d’Aquin fait, quant à lui, la réponse suivante, question 64 article 4
Réponse: Il n'est pas permis aux clercs de tuer, pour une double raison. 1° Ils sont choisis pour le service de l'autel où est rendue présente la passion du Christ mis à mort, et qui, comme le dit S. Pierre (1 P 2, 23), « frappé, ne frappait pas à son tour ». Il ne convient donc pas aux clercs de frapper ou de tuer puisque les serviteurs doivent imiter leur Maître, selon la parole de l'Ecclésiastique (10, 2): « Tel le chef du peuple, tel ses ministres. » 2° De plus, les clercs sont les ministres de la loi nouvelle, qui ne comporte aucune peine de mort ou de mutilation corporelle. C'est pourquoi, afin d'être « des ministres authentiques de la nouvelle Alliance » (2 Co 3, 6), ils doivent s'abstenir de tels châtiments.
Solutions: 1. Dieu accomplit de façon universelle en tous les êtres ce qui est bon, mais il l'accomplit en chaque être conformément à la nature de celui-ci. Ainsi chacun doit-il imiter Dieu conformément à sa condition propre. Donc, bien que Dieu puisse tuer physiquement les malfaiteurs, il ne faut pas que tous les hommes l'imitent en cela. Ce n'est pas de son autorité et de sa propre main que S. Pierre punit de mort Ananie et Saphire, il a plutôt promulgué la sentence divine à leur égard. Quant aux prêtres et aux lévites de l'Ancien Testament, ils étaient les ministres de la loi ancienne qui prescrivait des châtiments corporels, et c'est pourquoi ils pouvaient tuer un malfaiteur de leur propre main.
- Le ministère des clercs est ordonné à une fin plus haute que celle des exécutions corporelles; ils ont pour but le salut spirituel; il ne leur convient donc pas d'employer des sanctions d'un ordre inférieur.
- Les supérieurs ecclésiastiques sont investis d'un pouvoir temporel, non pour exercer eux-mêmes une sentence capitale, mais pour faire exercer par d'autres leur autorité.
Vous avez bien lu : …bien que Dieu puisse tuer physiquement les malfaiteurs.
Sentence contre Anani et sa femme sans aucune possibilité de repentance !
La peine de mort est-elle contraire à l’Evangile ?
Nous attendons des arguments sérieux et pas envolées d’estrade électorale !
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