Questions à propos d’un catéchisme de Mgr Vingt-Trois
Nous nous posons des questions à propos de l’enseignement du cardinal Vingt-Trois, tel qu’il est exprimé dans un livre publié en 2000, Petit guide de la Foi catholique [1], alors qu’il était archevêque de Tours.
Mgr Vingt-Trois conseille au jeune lecteur de deuxième et troisième étape du parcours « Pour Grandir dans la foi, de se servir de ce « Petit guide » comme d’un « carnet de route » ; et les parents sont invités eux aussi à s’y reporter également.
Nous voudrions seulement ici attirer l’attention sur un enseignement du Credo et les insuffisances que nous paraissent dénoter cet enseignement.
Nous retiendrons donc seulement pour l’analyser, l’article 4 du Credo du Petit guide de la foi catholique.
Commentaire de l’article 4 du Credo
L’enseignement donné sur cet article du Credo comprend les pages, 18,19 et 20 et se répartit en sept articles numérotés de 35 à 41.
Il est précédé de l’énoncé : Jésus-Christ a souffert sous Ponce Pilate, Il a été crucifié, Il est mort, il a été enseveli.
(Le titre et le texte de chaque article du guide sont en caractères italiques gras).
35. La mort et la Résurrection du Christ sont au centre de la Bonne Nouvelle.
C’est le passage, c'est-à-dire la Pâque, de Jésus de ce monde à son Père, de la mort à la vie, le Mystère Pascal, l’Évangile, que les apôtres, et l’Église à leur suite, doivent annoncer au monde. Pour mieux comprendre le sens de ces événements la foi examine en détail les circonstances de la mort de Jésus.
Après ce très bon commencement, on s’attend à la relation de la Passion[2] qui est aussi historique que la Résurrection, et à tout ce que l’Église enseigne sur cet événement central de la foi catholique car selon les maîtres de la vie spirituelle, il est préférable de méditer la Passion de Notre Seigneur Jésus- Christ que de jeûner longtemps. Mais notre déception a été très grande.
36 Jésus et Israël le peuple de Dieu
Des partisans du roi Hérode, des prêtres (serviteurs du Temple de Jérusalem) et des scribes (spécialistes de l’Écriture sainte) ont suspecté et accusé Jésus d’être possédé par le mal, de parler contre Dieu et d’être un faux prophète. Ces crimes religieux pouvaient être punis de la peine de mort.
Il est patent que ces trois lignes ne rendent pas compte de la situation décrite par les saints Évangiles :
1) La secte des Pharisiens n’est pas mentionnée alors qu’elle est la plus acharnée à perdre le Christ. Et sont oubliées les malédictions proférées par le Christ à leur endroit : « Gardez- vous du levain des Pharisiens, qui est l’hypocrisie ». Pourquoi avoir omis cet autre passage dans lequel le Christ enchaîne les malédictions contre les Scribes et les Pharisiens hypocrites. Mentionnons seulement une des plus connues :
« Malheur à vous, Scribes et Pharisiens hypocrites ! Parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis. A l’extérieur, ils ont une belle apparence ; mais, à l’intérieur, ils sont pleins d’ossements de morts et de toute sorte de pourriture. Ainsi, au dehors, vous paraissez justes aux yeux des hommes ; mais au-dedans vous êtes pleins d’hypocrisie et d’iniquité ».
Inutile de multiplier les exemples que tout le monde connaît.
Il aurait été pertinent de donner la réponse du Christ aux accusations de ses mortels ennemis : « Si je n’avais point fait, au milieu d’eux, des œuvres que nul autre n’a faites, ils n’auraient point de péchés ; mais maintenant ils les ont vues, et ils me haïssent, moi et mon Père. Ainsi se réalise la parole qui est écrite dans leur Loi : Ils m’ont haï sans sujet »
Bien sûr, aux yeux des pharisiens, le Christ méritait la mort pour de nombreuses raisons, mais on se demande bien pourquoi la raison principale n’est pas évoquée :
« Là-dessus, ils (les Juifs), n’en cherchèrent que davantage à le faire mourir, non seulement parce qu’il violait le sabbat, mais surtout parce qu’il affirmait que Dieu était son Père, se faisant ainsi l’égal de Dieu ».
Saint-Augustin dit d’ailleurs pour sa part :
« Aussi, que dit ensuite l’Évangéliste? « C’est pourquoi les Juifs cherchaient plus activement à le faire mourir, non-seulement parce qu’il avait violé le sabbat, mais aussi parce qu’il disait que Dieu était son propre père ». Il ne le disait pas dans le premier sens venu ; mais comment le disait-il? « Se faisant égal à Dieu ». Nous, nous disons tous à Dieu : « Notre Père, qui êtes aux cieux ». Nous lisons que les Juifs eux-mêmes lui disaient : « Vous êtes notre Père ». Ils s’irritaient donc, non pas de ce qu’il appelait Dieu son père, mais de ce qu’il l’appelait de ce nom d’une manière toute différente de celle dont le faisaient les autres hommes ».[3]
Il n’est jamais question de Ponce Pilate sinon dans la phrase introductive de Mgr Vingt-Trois. C’est à notre sens ennuyeux. Évidemment, on peut m’objecter qu’on ne peut pas tout dire dans un petit guide. Certes. Mais alors on laisse de côté le secondaire et l’accessoire pour ne retenir que le plus important.
Or, les rédacteurs du Catéchisme des curés selon le Concile de Trente (1683, tome 1, pages 98 et 99) disaient cependant :
« Demande : Qu’est-ce que l’Église nous propose de croire par ces première paroles : Qui a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié.
Réponse : Elle nous propose de croire que Notre Seigneur Jésus-Christ fut attaché à la croix, lorsque Ponce Pilate était gouverneur de Judée, sous l’empire de Tibère. »
Ce n’est pas très long et surtout pour des enfants qui sont toujours intéressés par l’histoire c’est l’indication d’un repère précis. La vie et la mort du Christ s’inscrivent de manière irréfutable dans l’histoire des hommes. Il est dommage que l’ancrage historique irréfutable enseigné par le credo de l’Église catholique (à côté des mentions que l’on trouve chez des historiens romains) ne soit pas mentionné par le Petit guide.
Dans le « Catéchisme du diocèse et de la province de Paris » (1914) dans la dixième leçon concernant l’article 4 du Credo on lit à l’article 94, page 47 :
"Qu’à souffert Jésus-Christ pour nous racheter ?
Jésus-Christ, pour nous racheter, a souffert une cruelle agonie, a été trahi par Judas, flagellé, couronné d’épines, livré au supplice par Ponce-Pilate, gouverneur de la Judée, et cloué à la croix sur laquelle il est mort."
Dans le catéchisme du diocèse de Troyes de 1842 on lit sur la même question.
"Pourquoi dit-on que Jésus-Christ a souffert sous Ponce-Pilate ?
C’est que ce fut sous Ponce Pilate, gouverneur de la Judée, que Jésus-Christ fut livré à la mort."
(Le catéchisme de Troyes de 1925, reprend exactement, page 17, la question et la réponse de celui de Paris de1914.)
A la même date, 1842, le « Catéchisme de persévérance » du diocèse de Nevers de Monseigneur Gaume, plus complet puisqu’il s’adresse à des enfants plus âgés est d’une rare précision (pages 192 et 193). On lit :
"Pourquoi les Apôtres ont-ils dit qu’il a souffert sous Ponce-Pilate ?
Les Apôtres ont dit qu’il a souffert sous Ponce-Pilate pour deux raisons : la première pour marquer le temps de la passion et pour prouver leur sincérité. S’ils en avaient imposé, tout le monde aurait pu les convaincre d’imposture. Il aurait suffi pour cela de montrer que Ponce-Pilate, gouverneur de la Judée, n’avait fait mourir aucun homme nommé Jésus de Nazareth.
Quelles est la seconde ?
La seconde, c’est pour donner au monde entier la certitude de la mort du Sauveur, en lui indiquant le moyen d’en avoir les preuves ; car Pilate avait envoyé à l’empereur Tibère la relation de la vie et de la mort de Notre – Seigneur, et cette relation était conservée dans les archives de l’empire."
Selon le catéchisme des Curés du Concile de Trente déjà cité : « Et on a mis cette circonstance (sous Ponce –Pilate) si nécessaire du temps du gouvernement de Pilate, qu’afin d’une part de rendre cette vérité si importante et si nécessaire plus certaine et plus indubitable par la remarque de la circonstance du temps où il a souffert, ce que nous voyons que Saint-Paul a aussi fait dans son Épitre à Timothée, Jésus-Christ qui a rendu ainsi excellent témoignage devant Ponce Pilate. Qui testimonium reddidit coram Pontio Pilato. « (1Tim.6, 13)
On ne comprend pas pourquoi le Petit guide omet ces éléments de compréhension qui inscrivent l’histoire du salut dans l’histoire des hommes, et n’évoque pas Ponce Pilate, Anne et Hérode mais surtout Caïphe, personnages clés de ce drame.
37. Comment Jésus a-t-il parlé et agi par rapport à la Loi de Dieu ?
Contrairement à ce que prétendaient certains de ses accusateurs, Jésus n’a jamais aboli la Loi révélée à Moïse. Au contraire, il l’a accomplie et respectée mieux qu’aucun Juif n’a jamais pu le faire : « Je ne suis pas venu abolir mais accomplir » (Matthieu 5, 17).
Jésus a toujours exprimé un grand respect pour le Temple de Jérusalem, signe de la présence de Dieu au milieu de son peuple. Il y est monté chaque année comme tous les Juifs pieux. Il a donné l’essentiel de son enseignement dans le Temple. Pour lui, c’est la demeure de son Père, une maison de prière : « Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce » (Jean 2, 16).
Pour les autorités religieuses d’Israël, la plus grande cause de scandale a été l’attitude de Jésus avec les pécheurs : Il mange avec les publicains et les pécheurs » (Marc 2, 16). Sa conduite révèle la miséricorde de Dieu pour les pécheurs. Jésus pardonne lui-même les péchés.
Le dernier paragraphe nous ramène à l’oubli précédent. Manger avec les pécheurs est une souillure mais ce n’est pas « la plus grande cause de scandale » évoquée lors du "procès" rapporté par les Évangélistes. Il était en revanche question de la « destruction » du Temple et de la divinité de Jésus. S’il est vrai que Notre Seigneur a manifesté son infinie miséricorde en fréquentant les publicains et, en mangeant avec les pécheurs et autres prostituées, l’Archevêque de Tours attribue une qualification surérogatoire à ces rencontres, et introduit une confusion sur les causes de la mort du Christ en donnant à penser que ces repas avec les pécheurs sont la cause de sa mort.
38. Jésus est mort crucifié
Les autorités religieuses de Jérusalem ont été divisées au sujet de Jésus. Certains, dont le pharisien Nicodème, ont cru en lui. D’autres l’ont tenu pour un blasphémateur et une cause de trouble en raison des foules qui le suivaient. Le Sanhédrin (tribunal religieux juif) l’a jugé coupable et passible de la peine de mort. N’ayant pas le droit de l’exécuter, ils l’ont livré aux Romains qui occupaient la région en l’accusant de préparer une révolte contre l’empire romain. On ne peut donc pas attribuer la responsabilité de la mort de Jésus à l’ensemble des Juifs de Jérusalem ni, à plus forte raison, aux Juifs en général. Pour l’Église la responsabilité la plus grave dans le supplice de Jésus revient aux hommes pécheurs, qu’ils soient Juifs ou non.
Les inflexions des Évangiles et des autres passages du Nouveau Testament sur la Passion nous semblent différentes.
A) Les autorités religieuses ont été divisées au sujet de Jésus .Certains…
Lorsque l’Évangile dit « Les esprits étaient donc partagé à son sujet », il s’agit de la foule et non des autorités religieuses. Cette phrase de l’archevêque ne rend pas compte de la réalité décrite dans Saint-Jean au chapitre XII, 37-43 :
"37. Quoiqu'il eût fait tant de miracles en leur présence, ils ne croyaient point en lui:
38.Afin que fût accompli l'oracle du prophète Isaïe, disant: "Seigneur, qui a cru à notre
parole? Et à qui le bras du Seigneur a-t-il été révélé?"
39. Ils ne pouvaient donc croire, parce qu'Isaïe a dit encore:
40."Il a aveuglé leurs yeux et endurci leur cœur, de peur qu'ils ne voient des yeux, qu'ils
ne comprennent du cœur, qu'ils ne se convertissent, et que je ne les guérisse."
41. Isaïe dit ces choses, lorsqu'il vit la gloire du Seigneur et qu'il parla de lui.
42. Beaucoup, toutefois, même parmi les membres du Sanhédrin, crurent en lui; mais à
cause des Pharisiens, ils ne le confessaient pas, de peur d'être chassés de la synagogue.
43. Car ils aimèrent la gloire des hommes plus que la gloire de Dieu."
Le Sanhédrin comptait soixante et onze membres répartis en trois classes. La classe des Princes des Prêtres avec à sa tête Caïphe ; la classe des Scribes ou docteurs de la loi, très proches des pharisiens. Parmi eux, Gamaliel, selon les Actes des Apôtres, n’était pas par principe hostile à Jésus. Nicodème et Joseph d’Arimathie lui étaient favorables.
Comme souvent, les autorités religieuses confessent la foi en secret, dans des conversations privées. Mais elles tremblent devant l’arrogance des puissances installées représentées par Caïphe. Les autorités religieuses n’étaient pas seulement divisées, elles étaient mortes de peur, peur de perdre leur place, leurs privilèges, leur notoriété ! Ils étaient la majorité silencieuse des lâches qui ont laissé condamner un innocent.
B) D’autres l’ont tenu pour un blasphémateur et une cause de trouble en raison des foules qui le suivaient.
Le lecteur aura remarqué ce balancement qui prétend rendre compte des informations données par les Évangiles.
Les accusations des Scribes et des Pharisiens sont de pures calomnies et ils le savent puisque à la question du Christ : « Qui d’entre vous me convaincra de péché ? (Saint-Jean 8, 46)», ils ne peuvent rien répondre ! Mais au contraire, ils renouvellent leurs accusations « Nous savons maintenant que tu es possédé d’un démon ». (Ibid. 8, 52). A bout d’argument, (tous les pharisiens de tous les temps injurient leurs adversaires et refusent une loyale dispute), ils prennent des pierres pour les lui jeter. Comment comprendre que l’archevêque ne dise haut et clair que ces accusations sont abominables. N’a-t-il pas lu le témoignage de Saint Pierre ? « Qui peccatum non fecit … lui qui n’a pas commis de péché et « dont les lèvres n’ont point connu le mensonge (Isaïe 53.9) ».
En fait de « cause de trouble », l’Évangile précise que les pharisiens se concertent avec les Hérodiens pour perdre le Christ car tout seuls ils n’arrivent pas à trouver une bonne raison.
Le Christ attire de son vivant les foules : lors des deux multiplications des pains (plusieurs milliers), lors des guérisons le soir après le coucher du soleil tous ceux qui avaient des malades ou des possédés les lui amenaient ; lors du sermon sur la montagne, il est entouré de ses disciples et de « multitudes innombrables » ; après la mort de Lazare, beaucoup de Juif sont témoins de sa résurrection et croient en lui ; sans oublier l’entrée triomphale à Jérusalem.
De tout cela l’occupant romain est parfaitement au courant. Malgré ces foules, (il a aussi chassé les vendeurs du Temple avec un fouet de corde), Pilate va affirmer par trois fois qu’il ne trouve en lui aucun motif de condamnation. Il a parfaitement compris que les Juifs, ce que l’Évangile rapporte directement, lui ont livré Jésus sans motifs !
Et les Juifs qui l’accusent savent qu’ils mentent. Après la résurrection de Lazare : « Les Pontifes et les Pharisiens assemblèrent le Conseil : Qu’allons nous faire ? se demandaient-ils. Cet homme accomplit une multitude de miracles. Si nous le laissons faire ainsi, tous croiront en lui. Et les Romains viendront et ruineront notre ville et notre nation ».
Comme nous venons de le dire les Romains savent à quoi s’en tenir ; ils ont leurs informateurs. Mais le Conseil des Juifs a besoin de donner un motif pour le mettre à mort, (à la bande des peureux assis sur leurs trésors), d’où la levée de l’épouvantail des représailles de l’occupant. En réalité, c’est le tous croiront en lui qui est intolérable aux scribes, aux pharisiens et à leurs séides. Les Actes des Apôtres nous montrent que leur haine criminelle ne va pas s’arrêter après la mort du Christ, preuve s’il en est qu’ils veulent anéantir les disciples du Christ parce qu’ils témoignent qu’il est vrai Dieu et vrai homme. Les mêmes qui ont calomnié Jésus vont renouveler leurs ignobles procédés pour lapider Saint-Etienne.
C) N’ayant pas le droit de l’exécuter, ils l’ont livré aux Romains qui occupaient la région en l’accusant de préparer une révolte contre l’empire romain.
Nulle part dans les Évangiles on ne trouve l’accusation de préparation d’une révolte contre l’empire romain.
Tout d’abord, Jésus proteste devant Anne qu’il n’a rien dit en secret ce qui s’accommode mal de la préparation d’une révolte ; il a même dit aux pharisiens qui voulaient le piéger qu’il fallait rendre à César ce qui est à César.
Devant Caïphe les faux témoins se contredisent et il n’est nullement question de préparation de révolte, mais entre autres, de la destruction et de la reconstruction du Temple de Jérusalem. En revanche, lorsque le Grand Prêtre lui demande s’il est le Fils du Dieu béni, Jésus ayant répondu « Tu l’as dit je le suis » la réaction est générale « Et tous de répondre il mérite la mort ! ».
Jésus va renouveler la même confession de sa divinité devant le Sanhédrin sans qu’il ne soit jamais question de préparation de révolte…
La première comparution devant Pilate est lumineuse.
Pilate se conduit encore comme un gouverneur : « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? Ils répondirent : « Si ce n’était pas un malfaiteur nous ne l’aurions pas livré » -- Prenez-le vous-mêmes alors, dit Pilate, et jugez le selon votre Loi. – Il ne nous est pas permis d’infliger la peine de mort à personne ».
Il est donc déjà condamné à mort avant qu’aucune accusation n’ait été formulée. Pour justifier la peine capitale après la demande de sentence, les Juifs « commencèrent à formuler leurs accusations : « Cet homme, nous l’avons trouvé bouleversant notre nation, défendant de payer le tribut à César et s’arrogeant le titre de Christ-Roi ».
Pilate connaît parfaitement, comme gouverneur, ceux qui se dérobent à l’impôt et les noms des meneurs de révolte ; sa police est bien faite et les légions répriment sans hésitation toutes velléités de soulèvement. Visiblement Jésus n’est pas fiché comme préparant « une révolte contre l’empire romain » et ce qui retient l’attention de Pilate, c’est « Christ-Roi ». Après interrogatoire Pilate déclare : « Je ne trouve, en cet homme aucun sujet de condamnation ». Et il ajoute après avoir une fois encore interrogé Jésus : «Ta nation, tes prêtres te traduisent à mon tribunal : qu’as-tu fais ? ».
Pilate est rassuré il n’a rien à craindre de ce roi-là.
Écrire : «... en l’accusant de préparer une révolte contre l’empire romain », fait de Jésus un dangereux révolutionnaire pour les Romains, ce dont les Évangiles ne font pas état. Les Juifs emploient la formule beaucoup plus vague et insidieuse « nous l’avons trouvé bouleversant notre nation », en somme une affaire interne dont Pilate n’a que faire.
Après le passage de Jésus devant Hérode, Pilate réitère son jugement : «Vous m’avez présenté cet homme, comme soulevant la nation ; voilà cependant que je l’ai interrogé devant vous, et je n’ai trouvé aucun sujet de condamnation sur les chefs dont vous l’accusez. Hérode, à qui je vous ai envoyés, n’a rien relevé non plus. Il n’y a rien d’établi contre lui qui mérite la mort. »
L’accusation réelle des Juifs est balayée par Hérode et Ponce Pilate.
Alors que Pilate était décidé à libérer Jésus, il répète une troisième fois « Qu’a-t-il fait de mal ? Je ne trouve rien en lui qui mérite la mort ; je le châtierai donc, puis je le renverrai. »
Au moment de l’ECCE homo, Il déclare encore : "Voici que je vous le présente encore une fois pour que vous sachiez bien que je ne trouve en lui aucun sujet de condamnation ».
A bout d’argument les Juifs lâchent la raison véritable de leur acharnement : " Nous avons une Loi, répliquèrent les Juifs, et, selon notre Loi il faut qu’il meure parce qu’il se donne comme le Fils de Dieu ».
Finalement, Pilate se rend à un argument qui le touche personnellement : « Si tu le délivres, tu n’es pas l’ami de César car quiconque se fait roi, s’élève contre César. » On connaît l’ultime vocifération des Juifs ; » Nous n’avons d’autre roi que César ! … Que son sang retombe sur nous et sur nos enfant».
Comme les membres du Sanhédrin qui suent la peur, Ponce Pilate ne veut pas risquer sa carrière et il livre l’Innocent aux bourreaux.
« Alors Pilate ordonna qu’il fût fait selon la volonté des juifs, et il leur abandonna Jésus pour être crucifié ».
Avant cet ultime abandon le Christ avait établi les responsabilités en répondant à Pilate : « Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir, si tu ne l’avais reçu d’En-haut. Et c’est ce qui aggrave le crime de celui qui me livre à toi ». Celui–là c’est Caïphe dont Saint François de Sales a écrit qu’il était le plus détestable Grand Prêtre qui ait jamais été sur terre.
D) On ne peut donc pas attribuer la responsabilité de la mort de Jésus à l’ensemble des Juifs de Jérusalem ni, à plus forte raison, aux Juifs en général. Pour l’Église, la responsabilité la plus grave dans le supplice de Jésus revient aux hommes pécheurs, qu’ils soient Juifs ou non.
Le catéchisme des Curés du Concile de Trente disait à ce propos de manière équilibrée :
« Demande : Qui commet un plus grand péché, ou les Juifs qui l’ont fait mourir réellement et de fait, ou les Chrétiens qui le font mourir moralement.
Réponse : Le crime que commettent les fidèles, lorsqu’ils tombent dans le péché est beaucoup plus horrible que celui des Juifs, parce que comme dit l’Apôtre : s’ils l’eussent connu, ils n’eussent jamais crucifié le Seigneur et Roi de Gloire » (Corinth. II.8).
Pour les Juifs d’aujourd’hui, Pierre Benoît (Exégèse et théologie vol III Cerf Paris 1968, page 438), dit quant à lui :
« Les Juifs d’aujourd’hui ne sont pas eux-mêmes coupables du refus opposé par leurs ancêtres au tournant décisif de leur mission ; mais ils héritent de cette faillite qui a compromis leur mission universelle. Ils reçoivent de leurs pères un système religieux qui n’est plus pleinement conforme au plan de Dieu ».
Conclusion :
Pourquoi l’archevêque de Tour a-t-il affaibli le récit de la Passion du Christ ? Pourquoi ne pas dire que Jésus est mort parce qu’il confesse qu’il est le Fils de Dieu ?
Et plus encore, quel intérêt a cette sorte de réécriture du récit de la Passion ? La Passion du Christ est un tout assez bien délimité dans le temps et l’espace. Les acteurs sont connus ainsi que leurs gestes et leurs paroles. La question 37 du catéchisme de Tours consacre six lignes pour dire que le Christ a toujours exprimé un grand respect pour le Temple de Jérusalem. Puis on passe à une information inédite sur « la plus grande cause de scandale ». Tous ces éléments pris en eux-mêmes sont très intéressants mais n’ont qu’une importance secondaire, et à aucun moment de la Passion, le Christ n’est accusé d’avoir mangé avec les publicains et les pharisiens.
Par ailleurs, s’il est clair que bien des Juifs n’ont rien eu à voir avec la condamnation de Jésus, et même que certains s’y sont clairement opposés, les chefs ne sont pas innocents.
Enfin, à la manière d’une certaine littérature pieuse de jadis, les propos du catéchisme de Tours adoucissent ce qui peut choquer : pas un mot sur les sévices et tortures que le Christ a enduré. Le mot Croix n’est pas écrit une seule fois.
Bien entendu, on ne saurait qu’approuver la question 35 : « Pour mieux comprendre le sens de ces événements la foi examine en détail les circonstances de la mort de Jésus ». Et plus encore la question 38 : « Pour l’Église, la responsabilité la plus grave dans le supplice de Jésus revient aux hommes pécheurs, qu’ils soient Juifs où non ».
Entre les deux la catéchèse est passablement indigente. On peut arguer qu’un petit guide ne peut tout contenir. Certes. Mais tout l’art du pédagogue tient dans la manière d’adapter la vérité de l’Évangile à l’âge des enfants sans oublier que c’est le Saint-Esprit qui donne l’intelligence de la foi.
Mgr Vingt-Trois, disions-nous, conseille au jeune lecteur de se servir de son « Petit guide » comme d’un « carnet de route » ; et les parents sont invités eux aussi à s’y reporter également. Est-il permis d’ajouter que les jeunes et les moins jeunes qui ont été profondément blessés par la récente pièce de théâtre qui « scatologise » la Passion de Jésus-Christ mériteraient plus que jamais un vrai et complet catéchisme sur le drame de la Rédemption ?
A découvrir aussi
- Mgr VINGT-TROIS disqualifié - 3
- Mgr Vingt-Trois allié objectif du gouvernement socialiste
- La femen, le curé et l'archevêque
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 205 autres membres