REPONSE A PATRICIA
Réponse à Patricia
Réponse à Patricia
L'anticipation du voyage du pape François en Suède pour l'anniversaire de la réforme luthérienne nous a semblé correspondre à une intuition géniale de Jean Madiran.
Une lectrice, que nous remercions vivement, a fait le commentaire suivant :
« Certes, ces textes de Madiran montrent les racines de cette initiative de François ier, mais on aurait aussi bien pu les appliquer aux voyages de Jean-Paul II en Allemagne, en Suisse ou aux Pays-Bas par exemple. Reste donc à démontrer pourquoi l'auteur tient à les appliquer à ce voyage de 2016 en Suède. La démonstration n'est pas claire ».
Le pape saint Jean-Paul II a fait trois voyages en Allemagne, 1980, 1987, 1996 ; un voyage pastoral en Suisse en 1984 ; un voyage aux Pays-Bas en 1985.
Pour limiter notre réponse, nous n’avons retenu que ses discours devant des assemblées protestantes et celles qui sont directement œcuméniques. Seuls les discours en Suisse sont en français les autres sont en allemand, néerlandais, espagnol et italien. C’est la raison pour laquelle ils sont peu connus. Nous utilisons les versions espagnoles et italiennes.
A cette époque l’opinion publique, d’une façon générale, n’apprécie pas les discours de Jean-Paul II, jugés trop conservateur.
Voici par exemple, le compte rendu du troisième voyage en Allemagne par Libération :
« En ce 450e anniversaire de la mort de Martin Luther, un autre symbole de cette visite aurait pu être un geste en direction de l'Eglise née de la Réforme, aujourd'hui dominante en Allemagne. L'hebdomadaire Focus rapportait la semaine dernière que Jean Paul II songeait lever l'excommunication de Luther, mais il en aurait été dissuadé par les évêques allemands. Le Vatican et l'Eglise allemande ont catégoriquement démenti ce récit et, de fait, les allusions du pape à Luther, sont restées très mesurées. Jean Paul II a salué l'appel de Luther à la réforme de l'Eglise comme «un appel à la pénitence et au renouveau», reconnaissant que la «défaillance», de l'Eglise catholique était aussi à blâmer pour la division de la chrétienté. Mais le pape a également mis en cause «les propres passions» de Luther; et son appel «au courage et à l'imagination» pour rapprocher les Eglises chrétiennes est resté vague.
A l'issue d'une brève rencontre avec le pape, l'évêque protestant de Berlin-Brandebourg, Wolfgang Hubert déplorait qu'aucune «nouvelle impulsion» n'ait été donnée au dialogue oecuménique: «Dans le discours du pape, je n'ai pas pu déceler de véritables et claires évolutions des positions précédentes envers l'Eglise de la Réforme», regrettait-il. Le président du Conseil de l'Eglise protestante en Allemagne, Klaus Engelhardt, a rappelé qu'il attend encore une «invitation ouverte» à participer à l’eucharistie et souhaite que les cérémonies œcuméniques ne soient plus «exceptionnelles ». (Lib 24 juin 1996).
On voit que le ton n’était pas très amène ! En Suisse comme aux Pays-Bas les attaques furent violentes.
Lorsqu’on lit les huit discours du pape on remarque plusieurs constantes.
Présentation des réformateurs par Jean-Paul II
Allemagne 1980
Le pape rappelle que Luther est venu à Rome en 1510-1511 et qu’il s’est recueilli sur les tombes des apôtres Pierre et Paul et il ajoute : « Aujourd’hui je viens à vous héritiers spirituels de Martin Luther ; je viens comme pèlerin. Je viens pour donner à un monde qui change un signe de l’unité des mystères centraux de notre foi ».
On peut dire que si parfois on est surpris des concessions que fait Jean-Paul II aux protestantismes ce n’est jamais au détriment de la foi, ou dans une formulation douteuse.
Suisse 1984
Cette année, nous avons présent à notre esprit le souvenir qui animait deux personnalités religieuses marquantes de l’histoire suisse : l’une, Huldrych Zwingli dont vous célébrez le cinquième centenaire par diverses manifestations en l’honneur de sa personne et de son œuvre ; l’autre Jean Calvin qui est né il y a 475 ans ;
Nous trouvons l’impact historique de leur témoignage, non seulement dans la sphère de la théologie et de la structure ecclésiale mais aussi dans le domaine culturel, social et politique. L’héritage de la pensée et des options éthiques propre à chacun de ces deux hommes continuent d’être présent, avec force et dynamisme, en diverses parties de la chrétienté. D’une part nous ne pouvons oublier que l’œuvre de leur réforme reste un défi permanent entre nous et rends nos divisions toujours actuelles ; mais d’autres part nul ne peut nier que des éléments de la théologie et de la spiritualité de chacun d’eux maintiennent des liens profonds entre nous ».
Pour le lecteur des « Variations des églises protestantes » de Bossuet, c’est beaucoup de concessions ! Et pour qui connaît le premier gouvernement totalitaire d’Europe mis en place par Calvin à Genève, ça fait beaucoup !
Allemagne 1987
Le pape regrette que la rencontre en 1518 entre Luther et le Cardinal Cajetan n’ait pas renforcé l’unité de la foi. Quelle direction aurait prise l’histoire si alors on avait surmonté les divisions et clarifié les problèmes et si cela avait eu une issue positive.
Allemagne 1996
« Cette année nous célébrons le 450ème anniversaire de la mort de Martin Luther. Après des siècles de douloureuse extranéité et des discussions, son souvenir nous permet de reconnaître aujourd’hui plus clairement la grande importance de sa recherche d’une théologie proche des Saintes Ecriture et de sa volonté d’un renouvellement spirituel de l’Eglise. Son extraordinaire contribution au développement de la langue allemande et son héritage culturel sont hors de discussion. Son attention à la parole de Dieu et sa détermination à parcourir le chemin de la foi reconnu comme juste, ne peut cependant pas nous faire ignorer ses limites personnelles et entre autre le problème fondamental du rapport entre la foi, l’Ecriture, la Tradition et l’Eglise, tels que les a vus Luther et qui jusqu’à aujourd’hui ne sont pas encore suffisamment éclaircies ».
Durant le même voyage il reconnaîtra que les études importantes qui ont été faites ont permis d’avoir une meilleure compréhension de son œuvre et de sa personnalité. Il cite le pape le pape Adrien VI qui avait déjà remarqué que au-delà de son désir de réforme, Luther était mêlé à des intérêts politiques et économiques et que ses passions personnelles l’avaient écarté de ses intentions initiales et qu’il avait fini par un critique radicale de l’Eglise catholique, de sa structure et de sa doctrine.
Suisse 1984
Voici ce que Jean-Paul II déclare aux églises évangéliques suisses :
« Il est évident que, lorsque nous nous rejoignons à ce niveau, tout le dynamisme provenant de notre commun baptême nous fait ardemment désirer de communier ensemble au corps et au sang du Seigneur, sans lequel nous ne pouvons pas avoir la vie en nous (Cf. J.6, 53). Ce désir que vous venez d’exprimer, Monsieur le Pasteur, est aussi profondément le mien. C’est tout le sens du dialogue dans lequel nous sommes engagés tant au niveau national entre votre Fédération est l’Eglise catholique en Suisse qu’au niveau international entre l’Alliance réformée mondiale et le Secrétariat pour l’unité et au sein de la Commission « Foi et Constitution » du Conseil Œcuméniques des Eglises. En effet, la célébration eucharistique est pour l’Eglise une profession de foi en acte, et un accord complet dans la foi est le présupposé d’une commune célébration eucharistique qui soit fidèle et vraie. Nous ne pouvons pas donner un signe trompeur ».
Pays-Bas 1985
La famille et la communion des couples mixtes
Aux Pays-Bas, où sa tête a été mise à prix, Jean- Paul II rappelle l’enseignement sur le mariage chrétien « un sacrement qui est un authentique reflet de l’amour du Christ pour son épouse, l’Eglise » (§, 5)
« Dans la vie de ces couples (de religion mixte), …, l’incapacité d’approcher ensemble à la table du Seigneur est ressentie d’une manière particulièrement aiguë. C’est précisément en raison du fait que nous tous nous attribuons à ce sacrement du mystère pascal chrétien une place centrale dans la vie de l’Eglise et du chrétien. Dans ce sacrement nous célébrons le mystère de la foi, parce que le Seigneur appelle à une seule foi (Ef -4, 5), à « croire en celui qu’il a envoyé » (J. 6, 29). Dans le chapitre VII, saint Jean nous exhorte « à avoir la foi dans les paroles de Jésus comme pain de vie », afin que nous puissions parvenir à la foi dans le sacrement de son corps et de son sang. L’Eglise a toujours considéré les sacrements comme sacrements de foi ; …C’est à cette unité de la foi et à ce culte sacramentel que le Seigneur a invité ses disciples » (§6).
Suisse 1984
Le Ministère de Pierre
Voici en dernier lieu cette déclaration devant le Conseil œcuménique des églises
« … lorsque l’Eglise catholique entre dans la rude tâche œcuménique, elle le fait en étant porteuse d’une conviction. En dépit des misères morales qui ont marqué la vie de ses membres et même de ses responsables au cours de son histoire, elle est convaincue d’avoir gardé en toute fidélité à la tradition apostolique et à la foi des Pères, dans le ministère de l’évêque de Rome, le pôle visible et le garant de l’unité » (§ 2).
Nous pourrions multiplier les exemples pris dans ces discours et bien d’autres. Nous verrions qu’à aucun moment le Pape n’a cédé quoi que ce soit sur l’enseignement de la foi et la discipline des sacrements.
Nous devons d’ailleurs avouer qu’au terme de ce parcours à travers les discours de Jean-Paul II nous avons eu l’impression d’être à des années- lumière des déclarations et des ambiguïtés du pape François. Nous en sommes aux fantaisies de Schillbeeckx, Congar et Rahner et à la théologie du peuple.
Le pape nous l’a dit, il veut à partir de ses quatre principes « lancer des process ». Et depuis longtemps bien avant d’être pape il avait lancé la culture de la rencontre et celle du dialogue.
Voici ce qu’écrit à ce sujet l’un de ses thuriféraires le père Carlos Maria Gallia après la parution de Evangelii Gaudium.
« Avec les quatre principes qui guident sa proposition d’une culture de la rencontre pour dépasser les tensions sociales et construire la justice sociale pour tous (EG 220-237), le pape développe sa pensée, corroborée par son expérience de Buenos Aires et argentine, à propos du dialogue œcuménique et interreligieux, soit avec les églises chrétiennes, le judaïsme, l’Islam, les autres religions, avec tout être humain de bonne volonté qui cherche la vérité, le bien et le beau (EG 244-248). Dans ce cadre est compris le dialogue politique et le dialogue interdisciplinaire (EG 238-243) ».
Son maître à penser affirme de son côté que « le pape assume et enrichi beaucoup des apports de la théologie biblique, de l’herméneutique, de la morale, de l’histoire, de la spiritualité de la culture et du social engendré par la communauté théologique argentine ».
En matière de changement radicaux de l’Eglise, Luther et Calvin sont des apprentis !
Pour mémoire
http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1351342?fr=y
relire absolument, Sur l’unité et l’universalité salvifique de Jésus-Christ et de l’Eglise :
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