Ils ont des yeux et ne voient pas
ILS ONT DES YEUX ET NE VOIENT PAS
On ne peut comprendre la rupture d'Aparecida si on ne mentionne pas les deux avertissements de Benoît XVI qui ont précédé l'Assemblée des évêques. On nous pardonnera ces deux textes un peu longs mais essentiels.
La veille de l'ouverture, il déclare aux évêques dans son homélie à São Paulo :
« La mission qui nous est confiée comme maîtres de la foi consiste à rappeler, selon les mots de l’Apôtre des Gentils, que notre Sauveur « veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité » (1re Épître à Timothée 2, 4). Ceci, et rien d’autre, est le propos de l’Église : le salut des âmes individuelles. Pour cette raison le Père a envoyé son Fils et, selon les mots du Seigneur lui-même transmis dans l’Évangile selon saint Jean, « de même que le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie » (Jean 20, 21). D’où le mandat pour prêcher l’Évangile : « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ; et apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde » (Matthieu 28, 19-20). Ces mots sont simples mais sublimes ; ils parlent de notre devoir de proclamer la vérité de la foi, du besoin urgent de vie sacramentelle, et de la promesse du Christ de toujours assister son Église. Ce sont là des réalités fondamentales : ils parlent d’instruire le peuple dans la foi et dans la morale chrétienne et de célébrer les sacrements. Partout où Dieu et sa volonté sont absents, partout où la foi en Jésus-Christ et en sa présence sacramentelle fait défaut, les éléments essentiels pour résoudre les problèmes sociaux et politiques urgents manquent aussi. La fidélité au primat de Dieu et de sa volonté, connue et vécue en communion avec Jésus-Christ, est le don essentiel que nous, évêques et prêtres, devons offrir à notre peuple ».
Et encore : « Un problème particulier auquel vous devez faire face comme pasteurs, est certainement la question de ces catholiques qui ont abandonné la vie de l’Église. Il semble clair que la principale cause de ce problème doit être trouvée dans le défaut d’une évangélisation complètement centrée sur le Christ et son Église ».
Dans son discours d’ouverture à Aparecida, il annonce la vraie méthode que doit suivre l’Assemblée :
« Devant les priorités de la foi dans le Christ et de la vie "en Lui", formulée dans l'intitulé de cette V Conférence, pourrait également être soulevée une autre question: cette priorité ne pourrait-elle pas être, par hasard, une fuite vers l'intimité, vers l'individualisme religieux, un abandon de la réalité urgente des grands problèmes économiques, sociaux et politiques de l'Amérique latine et du monde, et une fuite de la réalité vers un monde spirituel?
Comme premier pas, nous pouvons répondre à cette question par une autre: Qu'est-ce que cette "réalité"? Qu'est-ce que le réel? La "réalité", est-ce seulement les biens matériels, les problèmes sociaux, économiques et politiques? C'est précisément là que réside la grande erreur des tendances dominantes de ce dernier siècle, une erreur destructrice, comme le démontrent les résultats tant des systèmes marxistes que des systèmes capitalistes. Ils faussent le concept de réalité en l'amputant de leur réalité fondatrice et pour cela décisive qui est Dieu. Celui qui exclut Dieu de son horizon fausse le concept de "réalité" et, par conséquent, ne peut finir que sur des chemins erronés et avec des recettes destructrices. » (Souligné par nous)
Les évêques de l’Assemblée se félicitent de ce que la méthode employée est radicalement différente de celle des autres Assemblées du CELAM.
Il n’y a pas eu de document de travail préparé par les bureaux de Rome ou du CELAM. Les évêques, les diocèses, les associations, les religieux et tous les autres non identifiés ont eux-mêmes pendant un an envoyé des propositions qui ont été rassemblées par le Secrétariat de l’Assemblée pour servir de base aux travaux. Cette méthode est celle de Gaudium et Spes.
Elle a été revendiquée par le « pape » de la théologie de la libération, François Houtard.
Nous renvoyons aux pages 71-72 de Terrorisme Pastoral et sur le choix du chanoine marxiste (c’est ainsi qu’il se définit), pour devenir le sous-secrétaire de la sous-commission pour la préparation de Gaudium et Spes où figuraient, de Lubac, Chenu, Rahner. Le texte, raconte Houtard, était fondé sur un livre que j’avais écrit avec le titre L’Eglise dans le monde…
Dans les Conciles précédents les documents conciliaires adoptaient la démarche déductive.
« Dans Gaudium et Spes c’est complètement différent. Nous avons pris une approche inductive et ce n’était pas dans la ligne de la longue tradition ecclésiastique des documents d’Eglise. Aussi quelques théologiens n’étaient pas très à l’aise avec le genre d’approche que nous avions prise. Je me souviens d’un des membres de la Commission théologique, un cardinal français, qui a dit après avoir lu : « Ce texte semble avoir été écrit par un sociologue et non par un être humain ». Jusqu’à la fin, nous n’avions pas l’assurance que le Concile l’accepterait et nous avons dû faire quantité de rédactions. A la fin il l’a été à la session plénière. »
La méthode de travail initial acceptée par l’Assemblée d’Aparecida est celle du chanoine marxiste Houtard.
Il n’est pas étonnant que les suppôts du libérationnisme s’en soient félicités. Cependant la quasi-totalité des évêques n’a rien trouvé à redire. Beaucoup l’ont approuvée. Parmi eux, le cardinal Jorge Mario Bergoglio. Il répétera souvent que c’est là une des clés de l’Assemblée aussi bien à la télévision argentine qu’à Trenta Giorni ou encore après son élection, au Comité de Coordination du CELAM, le 28 juillet 2013.
« Un commencement sans document. Medellin, Puebla et Saint Domingue ont commencé leurs travaux par un chemin reçu d’une préparation qui s’est achevée par une espèce d’Instrumentum laboris, à partir duquel se sont développées la discussion, la réflexion et l’approbation du document final. Au contraire, Aparecida a promu la participation des Eglises particulières comme chemin de préparation qui a abouti à un document de synthèse. Ce document, s’il a été un document de référence durant la V Conférence générale, n’a pas été considéré comme un document de point de départ. Le travail initial a consisté à mettre en commun les préoccupations des Pasteurs devant les changements de l’époque et la nécessité de retrouver la vie disciplinaire et missionnaire sur laquelle le Christ a fondé son Eglise. »
Certes le document final corrigé par les Congrégations romaines a assuré les orientations catholiques de l’Assemblée d’Aparecida. Mais depuis 2007 l’effondrement de l’Eglise latino-américaine s’est poursuivi… sauf dans les diocèses où les évêques ont été vraiment fidèles à la foi et à l’Eglise.
Comme lors de l’Assemblée de Puebla chacun a fait son choix.
A Puebla, il y a eu deux « préférences essentielles », les pauvres et les jeunes dans deux articles totalement distincts. Le tam-tam libérationniste n’a retenu que l’option préférencielle pour les pauvres.
Hier, la préférence pour les pauvres était portée par l’alliance avec le matérialisme dialectique et historique. Aujourd’hui cette même préférence est portée par les opposants, radicaux ou non, aux systèmes capitalistes et à la mondialisation.
Nous sommes toujours dans une perspective libérationniste. Mais sans marxisme léninisme.
Donc ce n’est pas le marxsme-léninisme qui constitue le fondement du libérationnisme.
Il s’agit à notre avis non pas d’abord d’un succédané politique utilisant les réseaux de l’Eglise catholique mais d’une hérésie millénariste à tête multiple qui devrait être traitée comme telle par les responsables de l’Eglise catholique.
Le cardinal Bergoglio et le pape François appartiennent à la mouvance généreuse et illuminée qui, parce qu’elle adule les pauvres, veut régénérer l’Eglise, ses institutions et ses hommes. C’est ce que nous appelons un semi-libérationnisme.
Nous verrons les vecteurs idéologiques de cette mouvance, les porteurs argentins et autres et leurs actions en cours et à venir.
A suivre …Les constantes chez le cardinal et le pape
A découvrir aussi
- Réflexions sur les cinquante ans du Concile Vatican II -2
- Réponse de Adolfo Pérez Esquivel à Golias
- Qu'est-ce que la Conférence des Evêques de France ?
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 205 autres membres